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Requins à La Réunion

-une tragédie moderne-

Stéphane Berhamel un touriste en lune de miel

Demain c'est le triste anniversaire des 5 années de la mort de Stéphane, et il est désormais possible depuis aujourd'hui de mettre un visage sur un nom.

Cette attaque avait marquée un tournant décisif dans la prise en compte du risque requin.

Elle avait suscité également de nombreuses polémiques autour de requins marqués, dont la présence très régulière à cet endroit précisément les jours auparavant, n'avait pas été signalée.

 relire à ce titre cet éditorial de 2017 qui pose la question des responsabilités https://www.clicanoo.re/Societe/Article/2017/10/07/Fanny-et-Estelle-un-lourd-cas-de-conscience-et-des-responsabilites

 Et revoir également cette vidéo A VOIR ABSOLUMENT extrait du magazine Envoyé spécial d'août 2014 où on voit l'ancien préfet Marx "bégayer" sur ce sujet https://www.facebook.com/633503850029398/videos/761927393853709/

 Voici un extrait du chapitre traitant de cette période extrait du livre "requins à la Réunion une tragédie moderne" (p.118 à 120)

Chapitre 8

Stéphane, une dramatique lune de miel.

Le lendemain, le 8 mai, la journée était ensoleillée. Le télé­ phone sonna en milieu de journée. Une amie, en pleurs, me demanda si j’étais au courant de la nouvelle : une attaque venait de se produire derrière la digue, sur le spot très populaire des Brisants. Rapidement, je fus informé qu’il s’agissait d’un touriste qui avait loué une planche le matin même.

Cette attaque était survenue vers 12h20, par temps ensoleillé, et en dehors de tout épisode pluvieux. Immédiatement les autorités mirent en avant le fait que la victime avait pris un risque, fait preuve d’inconscience : « Il n’y avait pas de surveillance ». La sénatrice en charge du Tourisme suscita quant à elle un véritable tollé suite à un communiqué de presse et à une intervention catas­ trophique sur une radio nationale. Réagissant à chaud pour tenter de limiter la portée de ce drame qui venait de toucher un « touriste en lune de miel », elle n’hésita pas à charger la responsabilité de la victime en indiquant : « Ce touriste est passé outre les interdictions et recommandations connues et visibles de tous [...] Des prati­quants ont tenté de le dissuader [...] imprudence fatale.136 »

Tout semblait accabler ce pauvre jeune homme en vacances qui avait juste souhaité s’ébattre dans l’océan par une journée enso­leillée.

Mais revenons­ en aux faits. Que s’était-­il réellement passé ? Un dispositif de sécurisation municipal avec des vigies immergées était instauré les mercredis de 10h à 15h, au spot des Roches Noires, qui bénéficiait également d’un poste de secours avec MNS et zone de bain surveillée. Ce mercredi matin, l’association PRR en charge du programme avait vérifié la qualité de l’eau aux Roches Noires vers 9h30. La houle entrante avait rendu l’eau trop trouble pour satisfaire au cahier des charges du protocole « vigie », qui impose une bonne visibilité, de 10 mètres minimum : l’association avait alors annulé la sécurisation du surf sur cette plage et, comme c’était l’usage, les MNS hissèrent un drapeau « requin » pour inter­ dire la baignade dans le périmètre surveillé.

À 500 m de là, le spot des Brisants, en revanche, ne bénéficiait d’aucune surveillance et d’aucun dispositif de protection : le surf s’y exerçait selon la loi, uniquement aux « risques et périls » du pratiquant. Néanmoins, les clubs et écoles de surf y proposaient de temps en temps un créneau surveillé avec leurs propres vigies. Et ce mercredi 8 mai, jour férié, une surveillance de ce type avait été pro­grammée. Mais pour eux aussi, la visibilité de cette zone était insuffisante, et la décision d’annuler fut prise dès le matin.

Ce jour ­là, comptant sur la présence des vigies, beaucoup de jeunes étaient venus surfer le spot des Brisants. La date d’une com­ pétition placée sous le signe de l’optimisme prévue le 19 mai 2013 à ce même endroit approchait. (intitulé « good hope run challenge » ou « challenge de l’espoir », cet événement sera annulé)

Constatant qu’il n’y aurait pas de surveillance, certains furent dissuadés, mais une trentaine de surfeurs se mit quand même à l’eau au cours de la matinée.

Pour les détails de l’accident, je pus échanger avec Michael, un surfeur qui passa sa dernière heure de glisse seul dans l’eau avec la victime, ce qui donna aux deux hommes l’occasion de sympathi­ser. Stéphane, solide agent de sécurité, était un débutant qui souhai­tait profiter de ses vacances. Il avait loué une planche vers 10h aux Roches Noires, après avoir essuyé un refus d’un premier commer­çant du fait de l’interdiction à cet endroit. Il avait vu la trentaine de surfeurs qui pratiquaient non loin de là aux Brisants, et en l’absence d’interdiction et sans panneau d’information, il finit par les rejoindre. Entre­temps, entre 10h et midi, la capricieuse houle aus­trale se renforça, rendant l’eau encore un peu plus trouble. Les conditions se dégradant, tous les surfeurs sortirent de l’eau vers 11h30, sauf la victime, rapidement rejointe par Michael qui, après son travail, était désireux lui aussi de glisser sur quelques vagues. Michael se rendit vite compte que Stéphane était dépassé par les rudes conditions de mer, mal placé et du coup incapable de prendre la moindre vague. Il lui donna donc quelques conseils et lui pro­ posa de sortir de l’eau avec lui peu après. En effet, il est fortement déconseillé, pour un débutant, de rester seul dans ce type de condi­tions et sur une vague aussi dangereuse, même en dehors d’un risque requin.

Mais Stéphane voulait rester encore un peu à l’eau pour profi­ter au maximum de ce loisir de vacances. « Conscient du danger, il voulait juste s’éclater [...] il m’a aussi dit qu’il voulait profiter encore un peu de sa planche jusqu’à 13 h137 », heure jusqu’à laquelle celle­ ci avait été louée. Mais il n’allait pas tarder à être vic­time du destin, l’attaque survenant vers 12h20. La gravité des mor­sures ne lui laissa aucune chance de survie.

Selon la sénatrice­ directrice de l’IRT (Ile de la Réunion Tou­risme), « ce touriste est passé outre les interdictions et recomman­dations connues et visibles de tous », en se mettant à l’eau sur une plage non surveillée et selon la seule formule en vigueur, « à ses risques et périls ? » Cependant, il n’y avait plus aucun panneau de signalisation du risque requin, envolé avec le cyclone de janvier 2013. Légalement, la victime n’avait aucun moyen de s’informer du risque requin, et il ne risquait pas de trouver ces informations ni à l’aéroport, ni dans les sites vantant le tourisme de notre île : l’in­formation aux touristes sur le risque requin ne fut remise en place qu’en août 2013.

Mais une fois le reproche « juridique » levé, il restait toujours la « volonté » de mettre en cause le comportement humain. Ainsi, le responsable du programme scientifique n’hésita pas à indiquer à la radio le lendemain matin que ce touriste n’avait pas respecté les règles, puisqu’il s’était mis à l’eau après de « fortes pluies ». Il était pourtant à peine tombé quelques gouttes sur la zone concernée, comme l’indiquait la carte météo du 7 mai, entre 0 et 3 mm pour la zone Ouest, soit à peine de quoi humidifier le sol. Il était donc bien clair que la turbidité de l’eau constatée n’était due qu’aux remous par la houle des sédiments présents sur les fonds marins

Une autre polémique avait également vu le jour, cette fois autour des requins marqués dont la présence avait été démentie par les scientifiques, avant d’être prouvée par des relevés contradic­toires. De nombreuses questions furent posées à propos de la culpa­bilité de deux grosses femelles bouledogues prénommées Estelle et Fanny, et particulièrement présentes sur la côte d’après les données.

Même si le très faible pourcentage des requins marqués sur la totalité du cheptel présent finissait par rendre ce genre de considé­ ration accessoire, il n’en demeurait pas moins que ces quatre­ vingts énormes squales relâchés et affublés de doux prénoms à grand ren­fort d’anthropomorphisme posaient une question évidente d’éthique et de responsabilité.(...)

136) Lien : http://actu.reunion.fr/actualites/actualites­details/detail/communique­de­presse­de­ma­ dame­jacqueline­farreyrol­senatrice­et­presidente­de­lile­de­la­reu.html?no_cache=1

137) N° de l’Est républicain du 9 mai 2013, Récit de Michael, relaté dans un article intitulé « Un Mortiacien tué par un requin à la Réunion. » (Stéphane habitait la ville de Morteau)