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Requins à La Réunion

-une tragédie moderne-

Mon histoire avec le maire de Saint-Paul

 La crise requin est un problème extrêmement complexe, il n’est pas possible d'espérer « comprendre » sans un panorama complet. Ce texte est donc forcément un peu long, de ce fait il ne vise que les personnes s’intéressant réellement à ce dossier.

 Vous êtes très nombreux, à la lueur des toutes dernières déclarations du maire de Saint-Paul, à ne plus vraiment comprendre ce qui se passe, entre la désolation constatée sur le terrain, et un sempiternel déballage de promesses… inespérées… Vu l'impossibilité de livrer tous les détails de ce chapitre complexe (dans l’actualisation de mon livre pour la version anglaise) alors je les propose ci-dessous afin de comprendre sur quelle base nous démarrerons l’année 2018.

Controversé mais charismatique

Notre "idylle" commence en octobre 2013, avec l’appel d’un mystérieux intermédiaire souhaitant me rencontrer, en vue de me présenter une « personnalité importante ».

 Très vite j’ai compris qu’il s’agissait de Joseph, que je ne connaissais qu’à travers sa réputation d’élu au passé sulfureux, mais aussi à travers celle qui en faisait un candidat incontournable[1]. Notre première longue rencontre en tête-à-tête se déroula vers novembre 2013, à son bureau de l’antenne Saint-Pauloise du conseil départemental.

 Je fus immédiatement conquis par :

-son franc-parler, ses qualités humanistes, et son engagement face à l’écologisme.[2]

- sa volonté de déléguer la gestion du risque requin, qu'il connaissait peu, à des spécialistes du terrain

- son soutien historique aux activités nautiques et à la zone balnéaire lors de son précédent mandat.

 Cerise sur le gâteau, il m’avoua que son péché mignon c’était un massalé avec une tête de requin, et dès le premier rendez-vous me demanda de ne pas l’oublier, la prochaine fois qu’un poisson sera pêché[3]

 Cette réunion d’une heure fut suivie d'une deuxième réunion plus technique où je lui déclinais tous les tenants et aboutissants ainsi que les solutions à notre problème.

Les circonstances compliquées de cette époque ne me permettant pas d’honorer la perche tendue pour le poste d’adjoint municipal, c’est finalement Patrick Florès qui accepta courageusement de revenir de la Nouvelle-Calédonie pour prendre les rênes de ce dossier risqué et sensible.

 Ma mission vis-à-vis de la mairie de Saint-Paul s’arrêta une fois la victoire obtenue fin mars 2014, et pour laquelle j’avais œuvré autant que possible sur le terrain[4].

Patricia, Patrick moi-même et Joseph au grand meeting de Cambaie peu avant les élections

 Nous n’avions pas un seul, mais trois adjoints issus de la communauté nautique, puisqu’aux côtés de Patrick, Thierry Martineau, président du Radical Surf Club, recevait la délégation pour les sports et Patricia Locame, également de notre communauté, celle du tourisme.

 Je n’ai plus eu aucune relation avec le maire une fois l’élection terminée, c’était désormais aux adjoints élus de prendre le relais. Ce fut une période propice au travail puisque seule une attaque sans gravité survint à Saint-Leu pour l’année 2014.

Un mois après la victoire, en compagnie de l’ancienne sous-préfète de Saint-Paul

La mort d’Elio

  Mais avoir le pouvoir municipal « dans nos mains » n’aura pas suffi pour faire bouger significativement les choses puisque l’État continuait de refuser de lever les principaux verrous. Le drame horrible de la mort d’Elio le 12 avril 2015 sur le spot des aigrettes à Saint-Paul sonna comme un électrochoc, et allait remettre notre tragédie sur l’échiquier politique.

 Plus possible pour moi de rester dans mon coin, même si Patrick avait lancé le projet complexe des deux plages sécurisées par de vastes filets, sachant qu’il n’allait pas aboutir avant décembre 2015.

 Pour la première fois depuis un an je demandais une réunion à Joseph qui accepta, en compagnie de Patrick et Thierry ainsi que la sœur de Sarah, représentante des familles.

Il me confirma son engagement sans faille à nos côtés, toujours via nos élus, et surtout son positionnement vis-à-vis de la Réserve Marine, qu’il convenait de faire évoluer.

 Moi-même, Joseph, Marie Thierry et Patrick quelques jours après la mort d’Elio


A la reconquête de la mer

  Et puis fin 2015, ce fut la délivrance avec la livraison des filets sur les deux plages populaires. On assista à la renaissance inespérée de la zone balnéaire, avec des milliers, des dizaines de milliers de citoyens, en course dans une ruée vers l’or bleu.  Moi qui n’avais jamais caché mon scepticisme vis-à-vis de ces dispositifs[5], je fus le premier à les glorifier puisqu’ils permirent de prouver à tous que les Réunionnais étaient attachés à l’océan, et non pas simplement au lagon.

 Joseph et moi-même, lui offrant un livre, lors de la compétition organisée par Jérémy florès au Noires Noires en février 2016

 La première moitié de 2016 fut tout simplement idyllique, avec une quasi-absence de houle cyclonique, au point que finalement nous avions tous finis par baisser la garde au sujet de la Réserve Marine, d’autant que la pêche préventive avait été relancée.

L’État lui avait promis, conformément au plan global, d’associer un effort de pêche localisée au niveau même des filets. Celui-ci prévu en mai 2016 fut brutalement stoppé par une énième action en justice des opposants à la pêche. Une fois encore, la législation de la Réserve Marine faisait directement obstacle au déploiement d’une cette mesure préventive indispensable.

 A nouveau la bascule dans l’horreur

 A l’instar des prédateurs terrestres, nos bouledogues n’auront eu besoin que de huit mois pour comprendre que ce « parc à poissons » ne présentait aucun danger pour eux, et finirent par s’introduire et attaquer un jeune homme le 27 août 2016, qui s’en sortira miraculeusement malgré une double amputation.

 Après une période faste, on assista impuissant au début de la fin des filets...

  La mairie se retrouvait emmêlée dans un conflit juridique avec l’entreprise prestataire, il n’y eut quasiment plus de réouverture jusqu’à la mort définitive de ce dispositif, symbolisé par la dissolution de la cellule de maintenance des filets municipale, la CISAN en octobre 2017.

 Conformément à mes craintes, le rythme et l’imprévisibilité relative de nos houles massives était bien plus élevé que les capacités de maintenance par une entreprise privée. Et l’absence totale de pêche localisée n’aura pas permis d’exercer une pression territoriale, seule perspective pour maintenir à distance nos prédateurs redoutables.

 Ce fut ainsi une sorte de descente aux enfers pour la mairie de Saint-Paul qui s’était retrouvée dans le piège des autorités, qui avaient créé de toutes pièces les conditions d’un fiasco[6].

  La toute dernière attaque aux Roches Noires survenue le 18 juin 2017, toujours dans le périmètre des filets (quasi réparé), laissa un miraculé, mais signa  aussi la fin des derniers espoirs.

La prise en main de la crise requin par le maire

  A l’occasion d’un énième manifestation fin juin 2017 devant le CRA, centre de ressources (existant depuis un an et devenu le symbole de l’impotence des autorités), le cortège glissa jusqu’aux portes de la mairie et donna lieu à une rencontre fortuite avec le maire, présent par hasard à ce moment-là.

Rassemblement devant la mairie de Saint-Paul en juin 2017

 Ce fut une réunion très dure d’autant que le maire, fidèle à sa réputation d’homme de dialogue, avait ouvert la salle à plus d’une trentaine des nôtres.

Réunion et avec le maire lors du rassemblement de juin 2017

 

 Et alors que je m’attendais à une habituelle langue de bois politique, Je fus surpris de constater qu’il souhaitait désormais prendre lui-même les rênes de ce dossier.

 Quel avait été le déclic de ce revirement inespéré ?

 Était-ce parce qu’un moment je lui ai montré la photo d’une victime atrocement mutilée morte sur sa commune, et que comme il me le confia, ayant connu lui-même des tragédies dans son entourage, il ne pouvait plus rester sans rien faire, sans rien dire face à cette tragédie ?

 Était-ce parce qu’il n’était plus en phase avec ses propres élus en charge du dossier[7] ?

 Ou bien alors était-ce parce que mon bon résultat aux législatives sur la zone balnéaire ne lui laissait pas d’autre choix, dans la perspective de sa candidature pour les futures municipales de 2020 qu’il finira par m’avouer ?

 Sûrement un savant mélange des trois à mon avis…

Mon maire, ce héros

Quelle ne fut pas ma surprise en tout cas, peu après notre rassemblement de juin 2017, de recevoir un appel de la secrétaire de Joseph pour caler un rendez-vous.

 Oui c’était incroyable, il semblait véritablement décidé ENFIN à faire bouger les choses. Ce fut alors un immense espoir pour moi, car Joseph est un homme politique malin et puissant, un des rares à réussir à naviguer avec succès entre diverses tendances politiques opposées.

 J’ai eu ainsi l’occasion de le rencontrer une heure en tête-à-tête à trois reprises au cours du mois d’août 2017. Dès la première réunion il me fit part de son souhait de m’embaucher au poste de conseiller « technico-politique », un poste inédit, sur-mesure, qu’il prévoyait pour moi, dans la lignée du soutien qu’il avait apporté jadis à mon père[8].

Il voulait faire de moi SON conseiller spécial pour la gestion du risque requin, puisqu’il allait prendre en main désormais prioritairement ce dossier.

 Je sentais bien que ce rapprochement inattendu traduisait ses difficultés à travailler avec ses propres élus, qu’il avait trahis sur la Réserve Marine, et dont il ne soutenait plus vraiment les projets. On a donc travaillé pendant plusieurs heures sur tout ce qui pouvait être fait pour faire bouger les choses, conformément au « plan Marshall » que je venais de rédiger.

Il eut l’initiative de programmer une grande réunion avec l’ensemble des maires début septembre 2017, et commença à communiquer pour montrer que c’est lui désormais qui prenait le dossier en main. Il m’annonça également qu’il allait créer une délégation spécialement pour aller voir les ministères à Paris et taper du poing sur la table.    

 J’avais aussi commencé par lui raconter le modeste parallèle de la crise avec l’histoire de Nelson Mandela[9]. En effet, le violent racisme omniprésent dans la crise requin, que je lui avais exposé, nécessitait qu’une personnalité métissée, telle que lui, entre "en croisade" pour légitimer la place de l’océan au sein de la société créole. Ainsi, il fut très fier de me donner à améliorer une lettre d’engagement, qu’il avait coécrit avec un penseur local[10].

 Et puis à force de travailler sur cette thématique de réconciliation du créole et la mer, il m’annonça lors de notre dernière réunion fin août 2017 une idée lumineuse : organiser un grand événement festif sur la plage de Boucan Canot en janvier 2018 qu’il pensait intituler « tous à la mer ».

Il souhaitait mettre des gros moyens en allant jusqu’à louer des bus pour faire descendre les jeunes de tous les quartiers des hauts, les amener à la plage et leur proposer des activités nautiques. Il m’annonça qu’il était prêt à me mettre à disposition un budget de 100 000, 200 000 € voir plus, pour faire de ce moment un événement majeur.

 J’étais honoré de constater qu’il était prêt à me confier une telle responsabilité, mais en même temps effrayé à l’idée d’investir une telle somme dans notre contexte social délicat, et alors même que la crise requin avait déjà coûté une fortune. Cela d’autant que j’étais probablement un des seuls à marteler sans relâche que la solution ce n’était pas de l’argent mais simplement du courage politique[11].

 L’idée, elle, n’était pas bête, puisqu’avec un tel événement, selon lui, l’État se retrouverait au pied du mur, et n’aurait pas d’autre choix que d’assurer la sécurité d’ici là.

Mon maire, mon bourreau

 Et vint le moment où dans la discussion je lui demandai : « Et la Réserve Marine dans tout ça ? ». Car pour moi, il était hors de question de faire quoi que ce soit de toute façon tant que nous serions face à un "parc à requins", et je remis sur la table son financement récent de cette structure.

 Alors il se mit à prendre la feuille où il avait pris des notes tout au long de notre réunion de travail, et se mit à la déchirer méthodiquement en me faisant comprendre qu’il n’irait jamais à l’encontre de l’État.

  Ce fut notre dernière réunion de travail.

  J’étais ulcéré de retourner à la triste réalité d’une île ou les pratiques nautiques sont stigmatisées, après des vacances passées sur les côtes françaises où elles sont reines, malgré des conditions médiocres par rapport aux nôtres. J’étais dépité d’avoir engagé tout ce travail avec le maire, d'avoir nourri autant d’espoir depuis 3 ans, pour me retrouver ainsi coincé.

 Fallait-il que j’accepte son « pont d’or » et que je tente comme les autres la mission impossible, à savoir "sécuriser des proies humaines avec des fleurs", face à des redoutables prédateurs ?

 Entre cobayes et martyrs : la carte de l’évolution des attaques dans la zone Ouest transformée en Réserve Marine.10 ans maintenant que l’État transforme les citoyens réunionnais en « chair à requin » au profit de sa « politique océan »

 

 Et puis je réfléchissais à toutes ces années passées, à tout ce temps perdu à tous les disparus et à toutes ses promesses non tenues. Le lendemain, nos élus rencontraient le préfet pour la première fois, et qui leur fit comprendre qu’avec Nicolas Hulot de toute façon il ne fallait pas rêver.

 Foutu au plan national, coincé au plan local, alors, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai décidé le lendemain, par désespoir, de lancer pour le 10 septembre 2017 « nou’t tout dans la mer », et comme l’idée venait du maire, je me suis dit quoi de plus normal que d’indiquer dans le texte de l’événement, entre provocation et dépit, « avec le soutien de la mairie de Saint-Paul ».

 La suite vous la connaissez. Joseph s’est rangé du côté des autorités au point de sortir un arrêté d’interdiction le vendredi 8 septembre deux jours avant.

 Celui-ci me vaudra une garde à vue, une mise en examen, et un procès une fois l’enquête en cours terminée, courant d’année 2018. Le maire était vexé au point de me qualifier de « fou » en interne, à la grande joie des représentants locaux de l’État, grands gagnants de cette histoire.

 Comment Joseph pouvait-il oublier que si il est aussi puissant aujourd'hui, c'est grâce au soutien de notre communauté en 2014 ?

 Le rassemblement du 10 septembre 2017 

 

 Et comme mon événement fut un grand succès populaire, cette fois-ci c’est Joseph qui se retrouvait coincé. Comment allait-il faire pour reconquérir les voix de la zone balnéaire qui non seulement me soutenaient, mais en plus qui lui était désormais farouchement opposées ?

 Et maintenant ?

  Mais Joseph est un combattant malin et patient, d’autant que c’est lui qui conserve toutes les cartes en main jusqu’en mars 2020, et d’autant qu’il est sorti gagnant de la houleuse et récente élection au conseil départemental[12].

 Et face à ses engagements, la nécessité absolue de reconquérir notre communauté dans la perspective de 2020, mais aussi son souhait sincère (je l’espère) de sortir Saint Paul et la Réunion de la crise, il se retrouve désormais SEUL à la barre d’un bateau fou, en compagnie d’élus qui ne sont pas au fait de la situation, et d’administratifs qui le sont encore moins…

 Et ce n’est pas pour rien qu’un article du 29 décembre 2017 écrit par un journaliste qui suit la crise requin de très près depuis le début mentionne un maire avec des propos « trop décousus », proposant un calendrier « très difficile à tenir », alors qu’un autre publié la veille fait le bilan d’une situation pire que jamais en 2017.

 Une réunion interministérielle s’est tenu discrètement vendredi 22 décembre à Paris, et des « décisions » ont été prises. Joseph étant très près des autorités, il a déjà commencé à y faire allusion, sous-entendant qu’elle serait le fruit de ses récentes démarches.

1) La commercialisation va probablement être ré autorisée mais sur des spécimens de moins d’1m50, énième coup d’épée dans l’eau puisque les juvéniles ne constituent même pas 5 % des captures officielles[13].

2) Le dispositif vigie va être étendu, malgré un coût faramineux et un fonctionnement très compliqué, et des contraintes inacceptables/irréalistes, bien en deçà des attentes du plus grand nombre.

3) Pour donner l’illusion d’une "évolution" de cette structure, quelques engins de pêche seront déployées (avec des conditions drastiques) dans la Réserve, mais ne résoudront en rien la problématique de la sécurisation des proies dans un « parc à requin ».

4) Le programme de pêche sera relancé, mais à 4000 € en moyenne le poisson, aucune chance de le voir se pérenniser.

5) La pérennisation du principe des filets sera maintenu et renforcé… malgré une législation de la réserve incompatible. Qu’importent les leçons du précédent "parc à poissons" : personne n’est là pour réussir dans ce dossier, mais juste pour faire semblant, pour gagner du temps.

 Bref, 2018 s’annonce pire que jamais, avec un ministre de l’écologie capable de souhaiter « bon anniversaire » au chef de nos opposants, et un président de la république soucieux de ne pas apparaître à proximité d’un animal mort.

 Joseph tu es capable, ressaisis-toi, la balle est dans ton camp : seule la grande commune de Saint-Paul, abritant la principale zone balnéaire, est capable de faire front à l’Etat !

Ne comprends-tu pas que la crise requin n’est pas une question d’argent mais juste de courage politique ?

 En attendant, une chose est sûre, notre tragédie n’a pas fini de faire couler de la haine, de l’argent, des larmes et du sang


[1]  C’était le seul capable de gagner face à la député-maire de l’époque, extrêmement populaire, et qui n’avait pas débordé de zèle dans le cadre de notre tragédie.

[2] Il me racontait comment il avait fini à la gendarmerie après avoir été en 2007 jusqu’à aller sur les barrières érigées aux côtés des petits pêcheurs, se rendant compte que leurs droits venaient d’être bafoués (par le non-respect des promesses qui leur avait été faites dans le cadre de la création de la Réserve Marine).

[3]  J’ai pu enfin honorer son souhait d’obtenir une tête de requin fin octobre, que j’ai laissé à son attention à la mairie. Pas sûr cependant que dans le contexte de nos relations tendues, celle-ci ai fini à la casserole.

[4] Il apparaissait difficile de mesurer le poids de notre communauté dans cette victoire, mais au vu du maigre écart, il est certain qu’elle y avait contribué.

[5]  Au point, un mois avant leur livraison en novembre 2015, d’avoir mis en garde à deux reprises dans mon livre p. 258 « L’installation est programmée pour fin 2015, en espérant qu’ils soient suffisamment résistants » et 268 « Ce système, inoffensif pour les animaux marins, est celui utilisé à la réunion depuis 2012, mais a été détruit jusqu'à présent à chaque fois par les fortes houles. Des versions, que l'on espère plus résistantes sont en cours de déploiement ». Ils auraient parfaitement pu convenir, et seraient sûrement encore en place aujourd'hui, si la pêche préventive avait été associée.

[6] l’État poussait les collectivités et institutions (telles que la ligue de surf avec les vigies) à porter des projets de sécurisation mais sans jamais remettre en cause ce qui relevait de sa seule autorité : la commercialisation et l’incompatibilité de la réglementation de la réserve marine avec la protection des vies humaines. Du coup celles-ci se retrouvaient coincée dans un piège, investissant des moyens et des sommes croissantes pour tenter d’atteindre un objectif impossible : sécuriser « des proies » dans un parc à prédateurs.

[7] Car il faut comprendre qu’il y avait eu en parallèle un glissement insidieux d’une partie du dossier requin des mains de nos élus, à celles du maire. La victoire aux municipales en 2014 avait eu pour conséquence directe une prise de pouvoir au sein du conseil d’administration de la Réserve Marine via la voie de la nouvelle mairie tenue par Patrick et celle du TCO par Thierry, renforçant celle de la région déjà acquise à notre cause. Dès cette époque s’était engagée un bras de fer avec l’État.

 Et alors que nous étions confiants en l’avenir, étant majoritaires sur le papier, survint une situation qui n’avait pas été prévue : l’état s’était mis à user de son droit de veto, et réussissait à s’opposer à toute évolution.

  Après deux années de blocage, la seule perspective aura été l’annonce fin 2016 de la suppression des subventions des collectivités à la Réserve Marine.

 Et nous pensions avoir trouvé le seul et unique moyen pourra amener l’État à mettre un genou à terre, mais c’était bien mal connaître la détermination de ce dernier à nous sacrifier au profit de sa politique globale de protection des océans.

 D’une part le principe des subventions ayant déjà été voté et budgétisé, il n’était pas possible de ne plus les verser pour 2017, et une autre surprise de taille nous attendait : face à des relations dégradées entre les autorités et nos représentants élus, l’Etat s’était mis à traiter directement avec Joseph, qui disait « oui » à tout.

 Quelles en étaient les contreparties ? Certains parlaient du maintien de sa dotation en contrats aidés, d’autres m’avaient fait part de la peur viscérale du maire d’aller à l’encontre de l’autorité publique, et cela d’autant plus qu’il avait besoin de son soutien total dans le cadre de ses grands projets, notamment « l’éco cité » de Cambaie.

  Et puis il fallait un sacré courage pour s’attaquer à la Réserve dans notre contexte d’alarmisme écologique, et en fin politicien, c’était bien plus judicieux de promettre d’un côté, tout en ménageant de l’autre…

 Bref, une situation inédite, et d’autant que le maire de Saint-Leu lui aussi avait fini par passer à la caisse, ayant besoin d’autorisation pour finaliser son projet de station d’épuration. A l’heure actuelle, il ne reste plus que la Région, qui se retrouve seule dans le bras de fer des subventions pour la réserve, ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir de l’évolution de cette structure.

[8]  Il y a une vingtaine d’années, il avait proposé un local pour héberger la ligue réunionnaise de cyclisme à mon père qui la présidait. Il remettait souvent cette histoire le tapis mentionnant que 20 ans après, il était fier pouvoir collaborer cette avec son fils.

[9] Expliqué ici dans cet extrait de mon livre « Requins à la Réunion, une tragédie moderne » p. 173 : « Nelson Mandela venait de décéder deux jours auparavant et j’avais visionné le film Invictus. Ce film montrait comment lors de sa prise de pouvoir en 1995, ce grand homme, prix Nobel de la paix 1993, avait choisi contre l'avis dominant de soutenir les Springboks, l'équipe de rugby emblématique des blancs « afrikaners ». Ce positionnement courageux alors que sa communauté enfin libérée réclamait une vengeance à travers la suppression de ce symbole de l’Apartheid, avait permis de conduire son pays vers l'unité plutôt que la division. Cette histoire m'avait inspiré une modeste comparaison avec notre situation locale. Et si le nautisme fragilisé par cette crise, symbole d'une culture occidentale blanche, était soutenu par le peuple réunionnais plutôt que d’être stigmatisé ? Cela aurait pu faire entrevoir l’espoir d’une meilleure intégration culturelle, pouvant conduire à une plus grande harmonie ethnique. Mais au delà d’une conception dominante faisant état d’un multiculturalisme réussi, et qu’illustre le nom même de notre île, la Réunion, nous n’avions pas de « Nelson Mandela local. »

Joseph avait bien saisi les enjeux au point de conclure sa lettre de septembre 2017 par cette phrase de Mandéla « ce qui est fait pour nous mais sans nous effet contre nous ».

[11]Voir ici mon propos datant de 2015 http://www.requinsreunion.fr/index.php/articles/77-comprendre-la-crise-requin

[12]  En ayant réussi à positionner à la tête de cette structure son deuxième adjoint, en plus de renforcer son poids politique, il est assuré désormais d’un soutien sans faille de cette structure. D’ailleurs un déblocage de 450 000 € par cette dernière est sur la table.

[13] Dès que j’ai eu connaissance de cette proposition j’ai tenté de rectifier le tir en proposant que plutôt qu’une limitation de taille, ce soit plutôt une limitation de poids, en poussant jusqu’à 100 voir 120 kg le seuil de commercialisation. Cela permettrait de commercialiser la moitié des spécimens, puisque ce poids correspond à la fin de « l’adolescence », juste avant que l’animal passe un seuil, et se mette à prendre réellement du poids. Mais je ne me fais pas d’illusions, mes conseils n’ont jamais été suivis.