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Requins à La Réunion

-une tragédie moderne-

attaques de requins et réchauffement climatique

 

(extrait du livre "Requins la réunion de tragédie moderne" page 218-220)

(.../...) Mais quels pouvaient être les liens entre réchauffement climatique et les attaques de requins ?

Ils se situent à deux niveaux.

Le premier consiste en une croyance répandue selon laquelle le réchauffement climatique serait à l’origine de l’augmentation des attaques[1].

Le second confère à la préservation des requins un rôle significatif dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le requin en tant que prédateur était devenu un des « maillons » du marché carbone. Une toute dernière étude du magazine scientifique Nature, parue en septembre 2015[2] venait d’attribuer aux prédateurs un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique… parce qu’ils mangeraient des herbivores[3] compliquant d’autant toute idée de régulation de ces espèces.

Une autre étude récente, réalisée par un institut océanographique australien (Australia Institute Of Marine Science, AIMS) parue en septembre 2013 dans la revue scientifique renommée Plus One, vous expliquera que la préservation des populations de requins permet, toujours par un jeu subtil de réactions en chaîne, de préserver les coraux[4] dont le développement et la bonne santé sont présentés en tant que rempart naturel à la montée des eaux, en plus d’être également susceptibles d’absorber le carbone.

Les requins étaient devenus une sorte « d’animal-marabout » qui se voyait conférer toutes sortes de vertus, et pas des moindres !

Ainsi, les conservateurs avaient réussi à faire glisser l’alarmisme autour de la montée des eaux à la nécessité de protéger les océans au cours de la dernière décennie. Les îles, premières exposées à ces risques, possèdent par ailleurs d’immenses territoires maritimes convoités plus que jamais. Il n’y eut qu’un pas à franchir pour placer la protection de larges zones océaniques en tant que « solution » à la lutte contre la montée des eaux[5].

Le requin étant le nouvel emblème de l’équilibre des océans, sa protection était devenue un véritable fer de lance dans l’acceptation des mesures de sanctuarisation et avait conduit ces 10 dernières années à une multiplication des « sanctuaires requins[6] ».

Tout cela s’inscrivait dans une tendance globale déjà décrite par un éminent géographe français, et qui avait déjà critiqué « l’instrumentalisation des Petits États Insulaires par une coalition hétéroclite d’experts, d’activistes, de journalistes, de célébrités ou d’hommes politiques. Le spectre de la montée du niveau de la mer et de la possible disparition de ces îles, avec son lot de « réfugiés climatiques», devient une véritable rente pour des États insulaires se posant en victime du développement dans le dessein d’obtenir des compensations[7]» En échange de ces compensations financières, la privatisation de ces dizaines de millions de kilomètres carrés d’océans permettait de constituer un réservoir de ressources halieutiques, minières[8], énergétiques, tout en maîtrisant des voies de navigations stratégiques[9].

Cette mouvance qui partait du Pacifique, via la Nouvelle-Calédonie et Océania 21 avait commencé à nous intéresser dans le cadre du congrès international sur les aires marines protégées qui s’était déroulé à Ajaccio le 26 octobre 2013. (.../...)



[1]) On trouve toutes sortes de théories des plus farfelues aux plus contradictoires pour expliquer les attaques de requins. Article d’un site franco-russe Sputnik France du 18 aout 2011 « Attaques de requins en hausse: enjeu du changement climatique ? » citant Konstantin Zgourovski, du WWF Russie « Il est fort probable que les attaques des requins anthropophages dans les endroits où l'on ne les rencontrait pas auparavant est lié au changement climatique, plus précisément à la migration de leurs proies habituelles vers le nord. » (Et pour toutes les attaques dans les pays du Sud ?) Lien http://fr.sputniknews.com/sci_tech/20110818/190544704.html#ixzz3pkYBsHkh

[2]) « Croyez-le ou non, les requins contribuent à lutter contre le changement climatique […] les herbiers, les marais salants, les mangroves sont parmi les puits de carbone les plus puissants dans le monde […] ils vont capturer et stocker le carbone à un taux 40 fois plus vite que les forêts tropicales comme l'Amazonie et ils vont stocker le carbone dans le sol pour des millénaires » affirmait le Dr Peter Macreadie de l'Université de Deakin, Australie. Source :  http://www.abc.net.au/news/2015-09-29/sharks-and-other-predators-help-prevent-climate-change/6813042 Il est coauteur de cette étude publiée dans la revue Nature for climate change « Predators help protect carbon stocks in blue carbon ecosystems » 28 septembre 2015. Trisha B. Atwood & all. Lien : http://www.nature.com/nclimate/journal/vaop/ncurrent/full/nclimate2763.html

[3]) Ces théories ont été développées au sujet de la zone de « shark bay » en Floride par Mike Eithaus en 2013, le Floridien invité dans notre île en mai 2013 et que l’on retrouve en tant que coauteur de l’étude de Nature de septembre 2015.

http://news.fiu.edu/2013/06/fear-of-sharks-helps-preserve-balance-in-the-worlds-oceans/63078 et
http://www.news.uwa.edu.au/201108223834/business-and-industry/shark-bay-seagrass-potentially-8-billion-carbon-sink

[4]) Lien :  http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/09/24/pourquoi-la-surpeche-des-requins-menace-les-coraux_3483594_3244.html. L’AIMS a produit également une célèbre étude (elle aussi financée par PEW) visant à prouver l’intérêt de la conservation sur la pêche à partir des bénéfices du tourisme lié à la plongée, et qui indique que « un requin vivant vaut plus qu’un requin mort » visant à « inciter davantage de pays à s'intéresser à ces animaux pour leur contribution aux océans et au bien-être financier d'un pays ». Source : http://www.lepoint.fr/science/mieux-vaut-un-requin-vif-que-mort-02-05-2011-1326035_25.php Et idem au Fidji http://www.pewenvironment.org/news-room/reports/the-socio-economic-value-of-the-shark-diving-industry-in-fiji-85899381760

[5]) Toutes les subtilités autour de la financiarisation des océans et les mécanismes de compensations carbone via les ONGE sont décortiqués dans cet article  http://www.l-encre-de-mer.fr/2015-08-04-carbone-vert-carbone-bleu-carbone-poisson-nouvel-eldorado-de-la-finance/. La valeur des océans à été évaluée à 24 000 milliards de €. Lien : http://www.challenges.fr/energie-et-environnement/20150423.CHA5234/les-oceans-du-monde-vaudraient-24-000-milliards-de-dollars-selon-wwf.html

[6]) Ces sanctuaires requins sont au nombre de 13 en 2014. Voir la liste dans ce lien : http://wiki.bluelobby.eu/analyses/shark-sanct. Celui de Palau crée en 2009 est le plus célèbre mais aussi celui qui met en exergue les logiques sous-jacentes. En 2008, un rapport indépendant a montré que la partie nord des eaux de l’Archipel détiendrait un champ pétrolier géant de classe mondiale. Source : http://pidp.eastwestcenter.org/pireport/2012/December/12-28-20.htm Ce rapport estime les réserves dans la zone la moins profonde à 1,044 milliard de barils de pétrole en place (dont 35% récupérables). Dans la zone plus profonde, ce serait 1.880 milliards de barils (dont 35% récupérables). Et un gisement de plus 8 milliards de m3 de gaz a été repéré dans la couche calcaire peu profonde. En 2012, les prospections n’avaient encore rien donné, et les autorités ont renouvelé, moyennant finances, les autorisations de prospection de Palau Pacific Energy Inc (PPEI), basé au Texas. Les licences d’exploitation ont été attribuées et les forages déjà planifiés

(http://pidp.eastwestcenter.org/pireport/2014/February/02-26-04.htm et http://pidp.eastwestcenter.org/pireport/2014/August/08-15-05.htm)

[7]) Jean-Christophe Gay géographe français, 2009 : « Réchauffement climatique l’instrumentalisation des îles. » Lien : http://www.mgm.fr/ARECLUS/page_auteurs/Gay77.pdf. Il apparaissait illusoire que ces îles minuscules, premières exposées aux risques liés à la montée des eaux, puissent contribuer à enrayer ce phénomène. La pollution massive industrielle résultant d'une surconsommation d'énergies fossiles, est considérée comme à l’origine du réchauffement climatique. Elle reste l’apanage des grandes nations du « nord », toujours aussi loin d’être prêtes à réduire leurs émissions, mais exigeant des efforts de conservation des « pays du sud », seule issue, selon eux, pour absorber le carbone.

[8]) On constate à chaque fois une « écologie à deux vitesses » s’agissant des océans avec d’un côté une exclusion des pêcheurs traditionnels, et de l’autre l’autorisation de l’exploitation des fonds marins. C’est ainsi que suite à la mise en place du sanctuaire de la mer de corail en Nouvelle-Calédonie, une publication indique que les prospections vont bon train : « Durant ces derniers mois, des représentants de Total, d’un pétrolier texan et d’un institut français de recherche de ressources stratégiques ont été de passage en Nouvelle-Calédonie […] il n’existe aucun code minier marin en Nouvelle-Calédonie […] le forage pourrait se faire donc dans le parc marin de la mer de Corail. ». Conférence « Le Cluster maritime Nouvelle-Calédonie », mercredi 08 octobre 2014. Lien : http://histoire-geo.ac-noumea.nc/spip.php?article468

[9]) En tant que captures accessoires des navires de pêche, l’interdiction de la capture des requins via un sanctuaire conduit à l’exclusion des chalutiers notamment asiatiques, servant au passage les enjeux géopolitiques. (voir lien note 43)