Six ans de crise requin, six ans d’espoir… déchu
Toute une génération d’enfants à l’île de la Réunion aura vu ses plus belles années détruites par la crise requin.
12 ans hier, 18 ans aujourd’hui… huit morts cinq mutilés graves depuis, des rêves de glisse infinie et de gloire plein la tête, remplacés depuis trop longtemps par les pires cauchemars.
Ils auront vu Mathieu, un de leurs entraîneurs partir en 2011, leur frère Elio succomber dans leur jardin d’enfance en 2015, et là ils voient leur Grand Frère Alexandre disparaître en 2017.
Les répercussions sur notre jeunesse et sur la société en général sont totalement occultées par les autorités et institutions malgré un constat général fait par tous les psychiatres ou psychologues. Un éducateur en prévention, expérimenté et bien au fait de la psychologie, nous avait fait part de l’immense détresse qu’il avait constaté dans un grand lycée de Saint-Paul à l’annonce du décès d’Alexandre… et qu’il jugeait particulièrement inquiétante par son ampleur et son intensité.
Six ans de crise requin, six ans d’espoir… déchu… six ans de désespoir, de désillusion en frustrations…
Rongés par la passion… dévorés par la colère, le sentiment d’injustice et la révolte.
Beaucoup ont vu leur vie brisée moralement, psychologiquement, mais aussi socialement. Combien de parents n’arrivaient, et n’arrivent toujours pas, à tenir leurs enfants ?
Comment une phase d’adolescence, déjà difficile à la base, peut-elle dans de telles circonstances ne pas finir par se transformer parfois en calvaire ?
En 2007 notre communauté a soutenu la création de la Réserve… pendant que des petits pêcheurs désabusés, après avoir vu les promesses faites non tenues et leurs droits bafoués, bouchaient la route et brulaient les balises-totems sur la plage.
Les jeunes dans l’eau eux ne demandaient rien… non rien… rien de plus que d’être heureux… dans un lieu que l’État lui-même avait conduit à transformer en jardin d’enfants.
En 2017, comment ne pas imaginer que certains d’entre eux, parmi les plus écorchés et aussi les plus fragiles, finissent basculer dans le passage à l’acte ?
Lorsqu’ils voient une fois encore leur monde s’écrouler, lorsqu’ils voient cette fois-ci leurs compagnons d’armes, s’en aller… tombés au front… écologique.
Pourquoi la réserve ?
Parce que ceux qui dans l’ombre tirent les ficelles, le conseil scientifique et le gouvernement français, l’ont transformé par leur mutisme en Le symbole de la crise.
Et peut-être pire que tout en la défendant encore plus mort après mort, nous renvoyant en pleine figure l’indécence de l’arrogance de l’impunité.
En refusant toute évolution et encore moins l’idée d’une quelconque implication dans ce phénomène ou encore d’une simple évolution, elle cristallise définitivement toutes les tensions.
Comme le disait la vice-présidente de la région Réunion lors du C4R du 10 mars 2017 : «la réserve marine fête ses 10 ans et on peut en mesurer le bilan en nombre de morts les règles de la réserve en 2007 ne peuvent plus être les mêmes en 2017 !!! »
Et une fois encore ce propos restera une lettre morte, une de plus…
On voit bien dans le décalage entre la gravité de l’acte, et son impact dérisoire qu’il s’agit là plus d’un geste de désespoir… que d’un complot déterminé…
C’est peut-être la première fois en France dans le monde que des jeunes commettent de tels actes graves en conséquence directe d’une crise écologique… dont la violence est à l’image des corps atrocement mutilés rendus par la mer…
D’aucuns diront que « des jeunes révoltés, ce n’est pas une nouveauté »… Non la nouveauté inquiétante, c’est qu’on est en train de conduire toute une génération à la haine de l’écologie.
En moins de 10 ans, on aura vu des jeunes et des moins jeunes, parmi les plus respectueux de l’environnement, parce qu’ils vivaient dans l’océan, basculer dans la haine, de la paix vers la guerre… et tout cela renforcé parce qu’ils sont stigmatisés au même titre que l’ensemble de notre communauté, accusés de tous les maux de la planète.
Jeudi 9 mars 2017, 5 jeunes surfeurs ont été arrêtés (article du Quotidien du samedi 11 mars 2017). Ils ont reconnu être les auteurs de dégradations envers le siège social de la Réserve Marine Naturelle de l'île de la Réunion.
Lorsqu'on pousse des jeunes au désespoir
Quelques pétards mouillés de larmes, lancés contre un symbole, le soir même des funérailles, oui c’est inacceptable, oui c’est inexcusable… mais cela reste quand même sans commune mesure avec ce que l’on fait subir à nos enfants depuis six ans… et pourtant, c'est encore toute notre communauté qui une fois encore passera pour les « méchants »…
Oui c’est inexcusable… Mais pour des gens qui voient leurs frères se faire dévorer, qui n'ont plus d'avenir, plus de raison de vivre sans l’océan… le vrai, celui qui vous rend libre, pas avec des contraintes de surveillance « militaire » ou encore moins parqué dans un enclos
Que tous se rassurent, ils vont payer le prix fort en portant d’ici peu et à tout jamais le poids d’une condamnation judiciaire, synonyme d’avenir social à tout jamais hypothéqué.
Lorsqu'on pousse des jeunes au désespoir, et qu'ils n'ont plus en face que la folie ou la mort, peut-on encore s’en étonner ? Un autre, à peine moins jeune, nous avait fait part après deux journées passées à pleurer de son envie de mourir, et tant qu’à faire réfléchissait à se faire exploser un endroit stratégique, car quitte à mourir dans l’eau, de dépérissement ou de tristesse, il aurait préféré servir la cause… avant de se ressaisir… mais jusqu’à quand ?
Il n’y a pas besoin d’être un grand devin pour prédire que la crise requin ne trouvera pas d’issue, et finira dans un bain de sang, non pas dans l’océan mais bien sur la terre.
On a réussi à transformer ici des jeunes qui n'avaient jamais demandé rien d'autre que d'être heureux dans l'océan... en « ennemis de la société »
Et cela en même pas une génération… Juste parce qu'ils voulaient profiter de la vie tel qu'ils l'ont toujours connu...
Qui pourrait croire que les seuls responsables depuis 2011 ce sont les victimes meurtries, à tout jamais, déchiquetées au sens propre comme au figuré ? Et pourtant…
Si l’objectif c’est de remplir des prisons et des cimetières, alors à ce rythme-là on est sûr qu’il finira par être atteint
"jusqu'ici tout va bien"
Sixième C4R la semaine dernière, ça nous fait penser à Recife où cela fait 20 ans que l’océan est fermé… 20 ans d’échec d’une politique publique inadaptée, car assujetti à la science biologique et à l’écologisme…
Où nos scientifiques passent-t-ils leurs vacances ?
Où sont les conclusions de l’Évaluation du programme scientifique CHARC à 800 000 € ?
Ont-elles disparu par ce qu’elles devraient mentionner, conformément à dans l’évaluation initiale, qu’en cas d’échec, il faudrait abandonner définitivement toute idée de résolution de la crise requin par la science ?
Mais continuons à faire totalement confiance… confiance en l’état, confiance en la science
Oui faisons confiance à l’injustice qui fait bien son travail depuis six ans à l’île de la Réunion...
Dernières nouvelles de la crise et de la Réserve :
L’article du Monde paru samedi 10 mars 2017 dans le magazine hebdomadaire "M", au-delà du plaidoyer à peine voilée à la gloire des 10 ans de la Réserve à bouledogue, reflète avec une grande justesse le chaos qui accompagne cette crise. http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/03/10/les-requins-dechirent-la-reunion_5092622_4497186.html (consultable ici http://www.opr.re/index.php/documents )
Nous reprenons l’analyse de ce dossier particulièrement pertinente d’une écologiste impliquée, et qui a fini par comprendre de quel côté se situait le véritable danger :
« C’est un papier, une bien étrange compilation sans émotion, connue de tous, mais étrangement avec des mots qui ne semblent pas appartenir au journaliste, il est totalement extérieur à son récit.
Le problème est là, de Métropole ne connaissant rien à la crise et protectrice de ce que l'on nomme " nos réserves" c'est-à-dire Le Parc National des calanques à Marseille, Port-Cros, ou du petit dernier de Corse, pour lesquels on a un amour viscéral dans le sud, à la lecture de ce papier, sincèrement, j'aurais eu une bien piètre opinion de la Réunion.
C'est parce que j'y vis, que j'essaie de comprendre depuis 3 ans, la réalité de tout cela, sans à priori, que j'ai une toute autre opinion forgée par la compréhension des évènements, littéralement survolés dans l'article.
Franchement, c'est à la limite parfois de l'outrecuidance, je le répète, je suis très circonspect sur la description de certains personnages, qu'en quelques jours, il ait pu cerner ainsi des personnalités avec les mots que l'on entend ici et là, mais qui ici, m'interrogent vraiment.
Quand à "La Défense " de la Réserve, elle est assez faiblarde, cependant logique, mais pourquoi tacler à ce point la directrice de la réserve... la phrase qu'il lui prête est cruelle, si elle n'est pas explicitée.
Il en ressort également les coûts qui pourraient sembler prohibitifs à tous ceux qui ne connaissent pas la difficulté de la sécurisation, et encore moins les budgets énormes nécessaires à la préservation.
Tout cela sur un fond politique qui apparaît peu ragoûtant, en gros, tous des imbéciles ignares.
Oui en effet surnage la partie « ethnicisation » de la crise et la vérité du message de la maman de Talon. Maigre...
Pour finir, ce dossier reste à charge pour les (méchants) "usagers de la mer" avec la mention régulière de menaces qui semblent être "la spécialité d'un groupe". Mais quand on connaît la violence des propos de certaines forums pro-bouledogues (ce qui n'est pas le cas en Métropole des lecteurs du Monde, à part des aficionados) quand on a lu les phrases immondes adressées à des familles endeuillées, on ne peut que penser à cela, et savoir où se terre une certaine forme d'abjection. Alors qu'en riposte certains aient pu avoir envie de les balancer à la flotte ne me paraît pas si incompréhensible quand on connaît le contexte et la douleur atroce, persistante et tant de fois renouvelée. »
La Réserve au cœur d’une scandale ?
La réglementation de 2007, basé sur un "point Zéro" qui NE FAISAIT PAS ÉTAT de la présence de requins ne peut plus être la même en 2017 !!!
Voir ici http://www.reservemarinereunion.fr/pratique/item/rapport-final-point-zero-effet-reserve-du-10-06-2008
On touche là le cœur du #scandalerequin car si le requin du Zambèze (bouledogue) identifié depuis 1994 à l'île de la Réunion, avait figuré dans le "point zéro" d'évaluation des espèces présentes dans ce périmètre JAMAIS JAMAIS JAMAIS la réserve aurait pu voir le jour sous sa forme réglementaire actuelle…
N'oublions pas que les mises en garde répétées lors des consultations en 2006 à ce sujet par les personnes consultées sur le terrain ont été ÉTOUFFÉES !
OUI cette réserve marine est devenue un « sanctuaire" non pas pour les poissons, ou le corail (qui aura perdu 15 % depuis 10 ans) mais pour les sépultures d’humains... dévorés en son sein.
il n’est pas concevable (sauf pour les extrémistes) de protéger un espace sans tenir compte des humains, qui rappelons-le une fois encore étaient là dans cette zone bien avant l’idée même la moindre idée de protection.
la Réserve au cœur de provocations incessantes depuis 2011 :
-Dès le début de la crise requin, la responsabilité de la réserve a été non pas par des surfeurs mais par le plus grand spécialiste des requins français Bernard Seret en ces termes :
« à la Réunion, Il existe désormais des parcs marins (…) Est ce que l’effet bénéfique de ces mesures de protection n’a pas entraîné une augmentation de la population de tortues et d’autres poissons qui constituent un garde-manger pour des prédateurs venant sur le littoral ? (...) il faut fermer la zone de Saint-Gilles aux surfeurs » Journal de l’île de la Réunion du 21 septembre 2011
« ce qui arrive ici est exceptionnel (…) Il y a eu une sédentarisation de squales à proximité de leur garde-manger. » http://rue89.nouvelobs.com/rue89-planete/2011/10/20/la-reunion-les-attaques-de-requins-font-plonger-le-tourisme-225726
« Le problème est politique. On ne peut pas avoir un parc d’attractions aquatiques et une réserve au même endroit. Il faudra faire un choix. L’avenir de la Réunion est de devenir une vitrine écologique de la France ». http://www.divosea.com/journal-des-pros/tourisme/requins-un-scientifique-donne-son-avis-sur-la-situation-reunionnaise/
Hors tout le monde semble oublie que l’État français à développer les activités pendant 30 ans et a fait de la côte ouest une zone balnéaire. En 2007, les scientifiques/biologistes ont mis en place une réserve marine au cœur de cette même zone balnéaire, la transformant en zone la plus dangereuse de la planète. De ce fait, depuis le 26 juillet 2013 l’océan est interdit.
Leur seule réponse est de nous demander de cohabiter avec des prédateurs de 300 kg, et on voit bien cela nous a mené.
- Pour bien comprendre notre sentiment de révolte, voici un propos tenu publiquement le vendredi 10 mars 2017 dans le grand C4R (Comité de Réduction du Risque Requin à l'île de la Réunion) annuel devant une centaine de personnalités locales :
le préfet :
-"on peut comparer (la fatalité -ndlr-) notre situation avec la montagne où il y a chaque année 10 morts avec le hors-piste"
Notre réponse immédiate :
-" c'est indécent de comparer avec leurs pistes : le hors-piste de l'océan à la Réunion c'est Saint-André... boucan canot et Roches Noires sont des pistes vertes ! Est-ce qu'il y a 10 morts par an sur des pistes vertes par avalanche ? "
Réponse du préfet :
-" désormais boucan et Roches Noires sont du hors-piste !"
- De même, à l'annonce du désengagement financier de la région en mars 2017, ultime recours de la part d'une institution qui a tout fait depuis trois ans pour ouvrir le débat sur la Réserve Marine, L'argument principal des plongeurs/scientifiques/biologistes est que : "on commence à voir revenir les mérous", et ils montrent sans détour leur préférence pour des poissons.
Comment ne pas prendre un tel argument comme un affront, une énième provocation ?
Jamais en six années de crise ils auront manifesté un quelconque soutien au désastre économique social et humain. Non jamais, la seule chose qu'il auront fait pour la deuxième fois peu après une attaque mortelle, c'est une action pour le récif le 12 mars 2017, à la tête de laquelle on retrouve une scientifique de l'IRD, en charge des marquages du programme CHARC, nullement gêné de continuer à défendre encore en 2017 une idéologie qui ne tient pas que de l'humain.
Non ces cinq jeunes ne peut pas être les seuls à finir au tribunal ! Et tant que la justice ne sera pas rendue a minima sur cette histoire, alors c'est la colère qui dominera...
Liens complémentaires :
-Ce dossier complet permet de comprendre les conflits d’intérêts autour de la Réserve Marine de l’île de la Réunion au cœur du #scandalerequin : https://www.facebook.com/notes/les-sentinelles-de-la-mer/r%C3%A9serve-nationale-marine-de-la-r%C3%A9union-copinages-conflits-dint%C3%A9r%C3%AAt-et-guerre-de-/1013557232053362
-L’impact désastreux de la fermeture des plages de plein océan sur notre jeune lagon, écosystème fragile de ce mutisme pose la question des responsabilités écologiques de ceux qui se sont opposés à la prévention par la pêche dans cette manière. http://www.opr.re/index.php/articles/48-notre-lagon-pediluve-en-danger
-Comprendre la passion qui anime ces jeunes, bien plus forte que la mort, avec cette vidéo https://www.youtube.com/watch?v=S59jSWvS22g
-En aout 2012 après une vague d’attaques mortelles et mutilantes, l’auteur du livre "requins à la Réunion une tragédie moderne", Jean François Nativel, avait défendu la Réserve Marine lors d’une manifestation particulièrement dure. https://www.youtube.com/watch?v=kVaXnppOTAU
« La haine, qui naît de l'offense, tu pourras l'éviter en t'abstenant des provocations » Sénèque
Un petit aperçu de la haine que nos jeunes reçoivent en pleine figure depuis 2011 avec ce tag :