Titre du site

Requins à La Réunion

-une tragédie moderne-

A la soupe ?

Lorsque l'on s'intéresse aux fameuses "soupes d'ailerons" censées être la cause de l'extermination des requins dans le monde (shark finning), on découvre que tout cela n'est pas aussi simple ou réducteur.

Dans un article de janvier 2012, Chuck Thompson,  écrivain américain s'est intéressé à la réalité du commerce relatif aux soupe d’ailerons de requins Ainsi dans un article[1] il propose une analyse très intéressante, fruit d’un travail d’investigation effectué à Hong Kong durant plusieurs mois, "la capitale de la soupe".

A Hong Kong ce plat n’est pas aussi traditionnel

 On a toujours fait état d'une demande apparemment « sans fond » pour la soupe d’ailerons en Asie et en Chine. Demande d'autant plus forte que la population et surtout le pouvoir d'achat des Asiatiques se sont accrus de façon presque insolente ces dernières décennies, à la barbe et aux yeux d’un Occident au bord de la récession.

A Hong Kong ce plat n’est pas aussi traditionnel que l'on tenterait de nous faire croire.

Il ne retrouve aucune trace de plat à base de requins dans l'histoire de Chine. « Contre toute attente, pour le festin des noces de l'empereur Guangxu en 1889 il n'y avait aucun produit à base de requins. »

Il n’en demeure pas moins que la consommation des nageoires par les Asiatiques est mentionnée dans les récits de voyages dès le XVIIIe siècle, qui indiquent que « les Chinois en font cas comme d’un remède aphrodisiaque" (mentionné en 1773 par Bernardin de Saint-Pierre dans l’ouvrage « Voyage à l’Isle de France » (île Maurice ndlr) et cité dans le livre « tous les requins du monde », 2000 Delachaux et Niestlé. )

Il semblerait, d'après l'enquête menée par ce journaliste, que si les ailerons de requins ont depuis toujours été consommé de façon régulière en Chine, il n'a jamais été un plat traditionnel. Cela ferait parti des idées reçues, au même titre que celles selon lesquelles les Chinois lient les pieds des jeunes femmes.

Il indique avec humour que la culture asiatique ne fait pas de distinction entre les espèces animales. Un adage ancien indique qu'ils mangent tout ce qui est à 2 pattes, sauf les humains, et tout ce qui est à quatre pattes, sauf les tables.

  Alors pourquoi en est-on arrivé à la situation actuelle on l'on présente cette pratique culinaire comme dévastatrice pour la nature ?

Cette soupe se retrouve populaire…bien malgré elle.

Il avance l'hypothèse selon laquelle le commerce lié à la soupe d'ailerons serait une pure construction marketing qui aurait permis à une sorte de mafia des ailerons de rendre ce plat populaire et incontournable.

Le business autour des soupes d’ailerons génère un chiffre d'affaires estimé entre 300 millions et 1 milliard d'euros par an.

En questionnant des Asiatiques, il se rend compte qu'ils ne cherchent pas vraiment à consommer de la soupe d'ailerons, mais que ce plat est systématiquement proposé par tous les restaurants dans le cadre des menus de fête. Vous n'avez tout simplement pas le choix !

 De ce fait, cette soupe se retrouve populaire…bien malgré elle. 

Sa consommation permettant de générer des profits pour ceux qui entretiennent cette mode.

Il conclut en indiquant que durant la période qu'il a passée à Hong Kong, il avait constaté que plusieurs restaurants servant de la soupe d’ailerons avaient fini tout simplement par fermer !

Pour abonder dans le sens de son analyse, il l'indique que le gouvernement chinois communiste n'avait aucun intérêt à perpétuer ce genre de tradition supposée être l'apanage des riches. Et ce n'est qu'à partir des années 80, avec la réforme du marché lancée par Den Xiaoping, que ce plat est redevenu à la mode en temps que "signe extérieur de richesse".

Ainsi, le mythe de la soupe en tant qu'élément central des festivités en Asie, voir aphrodisiaque, ne serait en fait qu’une pure construction. Beaucoup de petits restaurants proposent des soupes pour un prix totalement dérisoire de 1 à 2€ et peine à trouver preneur.

La consommation d’ailerons ne serait donc plus une simple curiosité gustative touristique, qu'une véritable coutume séculaire.

Les USA ont encouragé le commerce d'ailerons à la fin des années 80 ?

Bizarrement, lorsque l'on gratte un peu du côté des États-Unis, on s'aperçoit que dès janvier 1978, les National Marine Fisheries Service (NMFS), et les Fisheries Service du National Oceanic and Athmospheric Administration (NOAA), encouragent la mise en valeur de la pêche aux requins, une espèce sous-exploitée.

Tout est fait à cette époque pour dynamiser la pêche aux squales, avec même la parution en février 1985 le Florida Sea Grant publie le livre "Manual of shark fishing". (Parmi les auteurs, on retrouve …George Burgess, "le pape des requins").

La pêche aux requins est encouragée de tous les côtés avec la le développement d'une véritable économie avec une multitude de pêcheries dédiées entièrement à la pêche de ce poisson.

A la Fin des années 80, le nmfs encourage même le commerce des ailerons de requins, et donc forcement sa consommation…par les asiatiques. Avant de bannir cette pratique une dizaine d'années plus tard sous la pression des biologistes et des ONGE.

 Et si c'était les États-Unis qui avaient relancé la mode de la soupe d'ailerons dans les années 1980 pour s'assurer des débouchés pour leurs requins.

Et qui 20 ans après, ce sont mis à diaboliser "ces pratiques barbares asiatiques" ?

Cela ne serait pas la première fois qu'ils feraient preuve de tout et son contraire…inciter à une pratique puis la stigmatiser par la suite.

La consommation des ailerons : pratique hautement écologique ?

 Si on part du principe que le requin est un « poisson normal » comme les autres poissons, il semble logique de rentabiliser au maximum sa consommation.

Plusieurs dizaines de millions de requins sont pêchées chaque année pour leur viande.

Cela constitue des milliers de tonnes d’ailerons de requins qui finiraient à la poubelle s'il n'avait pas d'intérêt à être commercialisé. La consommation des nageoires semble donc être à la base plutôt écologique en limitant au maximum les déchets organiques de la pêche qu'il faudrait éliminer.

Car à côté de cela, les ailerons de plusieurs milliards d'autres poissons sont jetés chaque année dans le monde, ce qui représente des centaines de milliers de tonnes.

Que ce soit les nageoires des autres poissons prédateurs (thons, espadons, marlins, dorades, etc.) ou de tout les autres poissons pêchés chaque année, le requin est des seules espèces ou on arrive à commercialiser un simple déchet. Et comble de l'ironie, ces déchets valent 100 fois plus que la chair du poisson elle-même !

Comme le disent les spécialistes, « le requin c’est comme le cochon, tout est bon » !

 Ce raisonnement s’inscrit à l’encontre du discours bien-pensant dominant, mais ne pourrait-on pas considérer la consommation des ailerons de requins comme une pratique hautement écologique ?

 Qu’elle est le coût du traitement ou l'impact sur l'environnement de la destruction ou du rejet des milliers de tonnes de nageoires constituant une part non négligeable des déchets de la pêche ? (5 à 7 % du poids total dans un requin).

Le comportement de certains pénalise la majorité

Lorsque que les médias vous montrent des terrasses entières dédiées au séchage de milliers d'ailerons de requins, tout le monde est indigné car cette image est toujours associée à un massacre insoutenable.

Mais il faut savoir que dans une très large majorité, ces étalages de nageoires ne constituent qu'une forme de récupération et d'exploitation "durable" de déchets de la pêche collectés à travers le monde auprès de petits pêcheurs, dans des pays pauvres.

 Malheureusement, et comme à chaque fois dans l'histoire de l'homme, c'est le comportement de certains qui pénalise la majorité. Certains bateaux du large, notamment les navires usines occidentaux capturent « accidentellement » 60 % des 30 à 70 millions de requin pêché par an dans le monde.

On appelle cela les captures accessoires. Ce sont tous les poissons qui ne sont pas ciblés mais capturés quand même lorsque les énormes senneurs remontent leurs filets.

Ce genre de pratique se constate principalement dans le cadre de la pêche aux thons. Les requins pris dans les filets, plutôt que d'être rejeté entier, sont parfois remis dans l'eau sans leurs ailerons.

Les ailerons sont faciles à stocker puisque destinée à être séché, n'ont pas à aller en chambre froide. Ils constituent un revenu non négligeable pour les matelots, payé une misère par les armateurs occidentaux, lorsqu’ils sont recrutés dans les pays pauvres, ce qui est souvent le cas.

 Il y a aussi, à côté de cela, forcement quelques pêcheurs barbares qui pêchent intentionnellement les requins que pour leurs ailerons et les relâches encore vivants, condamnée à une mort certaine dans d'affreuses souffrances. Ceux là méritent d'être durement condamnés pour ce genre de pratique ignoble.

Ces pêcheurs constituent une infime minorité dans la profession, et pourtant, ce sont ceux qui ont fait l'objet d'une médiatisation outrancière. Ces pratiques étant relayées en boucle par les ONGE ont conduit à stigmatiser le comportement monstrueux de l’ensemble des pêcheurs, et a permit de transformer le requin en "victime de la cruauté des hommes".

Du coup l’amalgame a bien fonctionné : l'opinion est persuadée que tout les requins massacrés dans le monde sont pêchés uniquement pour leurs ailerons et sont relâchés ensuite agonisants.

Mais qui sont ces « ignobles pêcheurs » coupables de ces pratiques ?

 On peut envisager 2 cas de figures, soit ce sont des pêcheurs orientaux (ou des pays sous-développés), soit ce sont des pêcheurs occidentaux.

1)  Pour les pêcheurs "orientaux", le poisson étant une denrée nourricière indispensable, quel serait leur intérêt de jeter une chair appréciée par leur communauté ? On sait que les requins sont consommés jusqu'aux arêtes dans la totalité les pays du monde en voie de développement. Ils n'ont pas le choix, il mange tout ce qu'ils arrivent à attraper, c'est dans leur culture depuis la nuit des temps.

2) On sait par contre que la chair de requins ayant peu de valeur en Occident, ils n'ont aucun intérêt à s'encombrer dans les cales froides des navires d'un tel volume d'une si faible valeur marchande en comparaison à la très forte valeur des poissons nobles tel le thon (rouge). Sachant que les ailerons eux, se stockent facilement.

En ligne de mire les « us et coutumes orientales »

Ainsi, à la lueur de ce raisonnement, est-ce que ces vilains pécheurs ne seraient pas tout simplement les marins de nos propres navires occidentaux, puisque seul les pays occidentaux sont finalement capables de faire preuve d'un tel gaspillage ?

 Et ne serait-ce pas pour cela que l'union européenne en 2012[2] a rendu obligatoire le débarquement des requins entier ? Cela empêche nos marins de conserver uniquement les nageoires lors des captures accessoires. Mais cela reste malgré tout qu'une goutte d'eau dans l'océan, car la plupart des navires occidentaux ont des ports d'attache dans des pays étrangers qui ne sont pas soumis à cette réglementation.

 Et pourtant, la désinformation continue toujours à être de mise, avec en ligne de mire les « us et coutumes orientales ». Nous en avons un parfait exemple dans une récente dépêche AFP du 28 février 2013, rédigé par leur correspondant local, et reprise massivement par tout les médias[3].

 L’analyse de cette dépêche est particulièrement représentative de la manipulation d'opinion.

Déjà le titre de cette dépêche ne laisse planer aucun doute sur les coupables :"Pour les bols de soupe chinois, les requins d'Indonésie sacrifiés ".

 L’article démarre avec une phrase choc : « Dans le port de Benoa, à Bali, les requins mutilés sont déchargés par dizaines. A la place des ailerons, une plaie béante dégouline encore de sang : pour remplir les bols de soupe des Chinois, l'Indonésie pille ses mers, menaçant jusqu'à la survie de l'espèce ».

 Mais le journaliste, pas vraiment malin, arrive à "se tirer une balle dans le pied" en reprenant le propos de Warsito, un pêcheur interrogé : "On ne va pas en mer seulement pour les requins. On prend du thon et du marlin. Mais trouver des requins, c'est une bonne affaire. Les ailerons se vendent très bien et la viande part facilement aussi" !

Et bien oui, vous avez bien compris comme nous : cet article cherche à diaboliser une pratique barbare consistant à tuer des requins uniquement pour leurs ailerons,  alors que le pécheur lui indique en toute simplicité que le requin n'est pas plus ciblé que le thon où le marlin, et que la viande de requins totalement consommée. Le commerce et la consommation d'ailerons dans ce port ne constituent donc simplement qu'une rentabilisation des déchets d'un poisson ! Et pourtant, après avoir lu cette dépêche, vous aurez l'impression au final que ce sont les pêcheurs Indonésiens qui détruisent la planète et qu'il est urgent de stopper leurs pratiques.

 Mais afin de proposer un raisonnement équilibré, nous avons une autre version[4] plutôt opposée à celle que nous venons de présenter.

 A l’inverse, cette approche indique au contraire que la soupe d'ailerons est un plat totalement traditionnel : extrait : "Le plat est devenu très populaire au XVe siècle, sous la dynastie Ming, et ce grâce à un amiral chinois, Cheng Ho, qui était rentré d'un voyage en Afrique avec une cargaison d'ailerons. Les villageois africains ne les consommaient pas, préférant déguster la chair de l'animal. Et la soupe d'ailerons est bientôt devenue un met incontournable lors de chaque grande réception sous la dynastie Ming. "

Qui a raison dans cette histoire ?

Une chose est sur, la journaliste qui a écrit cet article Juliet Eilperin[5], arrive la même conclusion que Thompson selon laquelle cette pratique culinaire s'est développé à partir des années 80. Et que comme elle l'indique, les mythiques filaments cartilagineux extraits des ailerons (après plusieurs heures de cuisson) n'ont au final strictement aucun goût. Ce sont les épices et le bouillon de poulet ou de crabes qui y sont ajoutés qui donnent un intérêt gustatif à ce plat. J’ai eu l'occasion de goûter une fois par curiosité, et je peux vous assurer que ce n’est vraiment pas terrible.

  Il n’en demeure pas moins que la lutte contre le commerce des ailerons et en faveur d’un changement de mentalité à propos de cette habitude culinaire porte ses fruits. Les O.N.G. ont multiplié aussi bien les actions en mer que les actions dans ces pays mêmes à base de campagne de sensibilisation aux conséquences de cette habitude alimentaire en utilisant aussi bien des artistes que des grands sportifs. C’est ainsi que le plus célèbre basketteur chinois Yao Ming évoluant en NBA s’est associée il y a quelques années à une vaste campagne visant à alerter sur les conséquences de la consommation de la soupe.

  L’ensemble des efforts ont été récompensé puisqu’une vaste étude multifactorielle de « Wild Aid » publié en 2014[6] fera état d’un déclin significatif du commerce des ailerons en Chine de l’ordre de 50 à 70 %.

 

 Mais cette grande victoire pour la protection de ces animaux n’a pas forcément d’incidence sur la pêche et requins au sens large puisque beaucoup de requins sont pêchés pour la consommation et en aucun cas pour leurs ailerons.

100 millions de requins exterminés annuellement sur la planète ?

 Par exemple, que pour l’espèce requin roussette, avec un poids moyen de 2 kg, cela représente un volume annuel de pêche d’environ 4500 t, soit 2 millions de spécimens consommés chaque année par les Français. L’exploitation de cette espèce de requins dont les nageoires sont minuscules et inutilisables illustre bien le fait qu’il est mensonger de réduire la pêche des requins dans le monde à la simple consommation de soupe d’ailerons.

 Cela nous amène à reprendre les interrogations de la grande biologiste Shelley Clarke[7] autour du fameux chiffre de 100 millions de requins exterminés annuellement sur la planète.

 Elle indique en toute humilité qu’il est très compliqué voire impossible de pouvoir estimer de façon précise la quantité de requins pêchés. Néanmoins en fondant ses analyses sur une parfaite connaissance du marché asiatique et un recoupement de données liées à la pêche, elle arrive à un chiffre de plutôt 26 à 73 millions de squales pêchés.

 En défenseuse d’une pêche durable inféodée à des quotas déterminés scientifiquement, elle n’hésite en passant à indiquer que « l’utilisation sélective et orienter d’information sur la pêche au requin dévalorise et marginalise les chercheurs qui travaillent dur pour présenter les données de façon impartiale ».

 Son propos tacle sans ménagement une tendance mondiale à l’exagération de nombreux biologistes ou ONGE qui conduit au final à jeter l’opprobre sur ceux qui tentent de gérer au mieux cette ressource alimentaire à des fins de préservation.

 L’exagération est tellement de mise dans le milieu de la conservation des requins que certains journalistes tel H.E. Sawyer n’hésitent pas d’ailleurs même à parler de « nombre magique » s’agissant des fameux « 100 millions ».

 L’histoire de son apparition nous éclaire sur le fonctionnement scientifico-médiatique en vigueur.

 A la base, il s’agit d’une extrapolation à partir des statistiques du tonnage de pêche au requin dans le monde.  Ainsi, la "marine policy", l’autorité suprême de la pêche mondiale, présidé par Boris Worm, estime à 1,41 millions de tonnes de requin pêché dans le monde pour l’année 2010[8].

A partir de ce chiffre, il en arrive à une estimation de 76 millions de requins qui, repris par les médias, passa à 100 millions voir même à 150 millions. Qu’importe au final pour des médias adeptes de surenchère le fait que même les spécialistes étaient incapables de confirmer ces chiffres.

 Si on prend la peine de calculer le poids moyen des squales péchés à partir de ce calcul, on arrive à un poids de 20,8 kg. C'est sûr que des requins de 20 kg, inoffensifs, rien à voir avec nos requins bouledogue et tigre de 200 kg en moyenne dans le cadre des divers programmes de marquage ou de pêche. Est-ce que l'on parle vraiment du même poisson ? Il est ainsi impératif de garder en mémoire qu’il existe 524 espèces de requins ce qui rend malhonnête toute généralisation au sujet de cet animal.

 Les thons : tops prédateurs, indispensables à l'écosystème

 Enfin, voici un dernier chiffre à des fins de mise en perspective, savez-vous que 5 millions de tonnes de thon sont pêchés chaque année dans le monde[9] ?

  Soit presque quatre fois plus que le nombre de requins (1,4 millions de tonnes). Sachant que le poids moyen est moindre que celui d’un requin, cela représente probablement près d’un milliard de poissons.

 Les thons sont eux aussi des tops prédateurs, indispensables à l'écosystème, et pourtant personne ne s’en émeut. Cet effort de pêche correspond au moins en partie dans les zones sous le joug occidental à une pression raisonnable puisqu’elle entre dans le cadre de quotas évalués scientifiquement.

 Forcément, car au-delà de la sensibilité récente pour l’avenir du thon rouge, c'est une espèce qui n’est pas « médiatisable » et bien moins rentable à protéger que les requins.

 Avec 5 millions de tonnes de thons, cela en fait des nageoires à jeter chaque année...

 

 Que penser au final de ces pratiques culinaires témoignant d’une « barbarie » d’un autre âge ?

Un défenseur de la culture chinoise rappelle à juste titre dans un article en 2007[10] que : « contrairement à la croyance populaire, le cartilage de requin ne se trouve pas uniquement dans la soupe de requin. Il est largement utilisé, surtout en Amérique du Nord, comme supplément anti-cancer ». En effet, personne ne parle du fait que les pays occidentaux sont des gros consommateurs de cartilage de requin, correspondant aux filaments gélatineux constitutif des nageoires de requins, et résultant de la cuisson de celles-ci.

 Dans un autre document, Eugène Lapointe[11] indique ne pas comprendre tout ce battage médiatique autour des ailerons de requins, qui n'ont d'autre but selon lui que de stigmatiser des pratiques culturelles orientales : « les militants anti-soupe avec leurs campagnes de rhétorique bien huilées visant un public occidental, avec des insinuations qui jouent sur les sentiments anti-asiatique et l'ignorance du public des pratiques culturelles asiatiques » A l'exception de partialité latente ou manifeste par ceux qui condamnent toute pratique ou tradition culturelle qui diffère de la leur, il n'y a rien d'intrinsèquement mauvais à la consommation de soupe de requin. Il ne comprend pas pourquoi c'est aussi mal vu d'en consommer, les ailerons étant un produit de la mer comme les autres, bien évidemment en dehors du fait de ne pas tuer les requins que pour les ailerons. A titre d'exemple, il indique que la morue, l'esturgeon, le saumon sauvage sont des espèces en danger critique d'extinction et qui ne suscitent peu ou pas de réaction. Pour lui le requin est loin d'être en danger d'extinction, à part pour trois ou quatre espèces clairement identifiées et qui font l'objet d'une protection drastique.


Un vilain coupable idéal, l'Asie

  Dans un autre article, il indique que les conversationnistes ont créé un scénario qui marche très bien pour la collecte de fonds, objectif central de ces O.N.G.E. :
- une espèce charismatique, le requin et son organe de communication, l'ISAF (Burgess, muséum de Floride, pro requin)

- un état de crise, un drame : la surpêche des requins pour leurs ailerons, et le déséquilibre pour l'écosystème qui en résulte.
- et un vilain coupable, l'Asie... (Le surfeur/pêcheur ici à la Réunion)

 H.P. Saywer s'est aussi intéressé à cette question dans un article[12] vient abonder dans le même sens :
"Dans le monde de la plongée, les conversationnistes sont comme les témoins de Jehovah : Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas entendu la Vérité.../...La majorité des requins n'est pas tuée pour ses nageoires, nous apprend l'IUCN, (International Union for Conservation of Nature). 57,9% des requins pêchés le sont lors de prises accidentelles avec d'autres espèces, alors que 31,7%, soit presque la moitié moins, sont pêchés intentionnellement pour la commercialisation. Ceci n'est pas véhiculé par les conversationnistes, car ils ne veulent pas que l'on sache…/…La croisade contre le shark-finning a caché la réalité des pêches accidentelles de requins. Ces pêches accidentelles nous impliquent tous et pas seulement les Chinois. Les pays asiatiques ont les plus grandes flottilles de pêche et l'argument du shark-finning est sûrement mieux exploitable par les défenseurs des requins que la prise accidentelle. "

 Depuis l’effondrement du bloc de l’est, le péril jaune constitue une menace persistante dans les représentations occidentales. On peut se poser la question de savoir si la stigmatisation de ces pratiques exotiques orientales ne semblent pas relever d’une stratégie s’appuyant sur un schéma xénophobe classique. On trouve quelques éléments en ce sens dans une campagne lancée en juillet 2014 par WWF Australie pour faire stopper le commerce d’ailerons de requins à partir d’une affiche[13] présentant une pyramide humaine composée d’asiatiques, avec pour message « stop one. Stop them all », sous-entendant qu’il suffirait de s’attaquer à un des maillons de la chaîne pour conduire à l’effondrement de ce marché.


 Les auteurs de Blue lobby se sont livrés à une analyse poussée de cette affiche[14] et qui n’est pas sans intérêt : "l'objectif est de montrer que c'est la consommation de soupes de requins asiatiques qui tire le commerce et la pratique de la découpe d'ailerons de requins. Mais cette illustration adresse en fait un autre sujet de par son slogan "STOP ONE. STOP THEM ALL". Où bien entendu on parle des consommateurs chinois, mais surtout des Chinois tout court. Le renouveau du péril jaune.
 Ce slogan parle en fait plus aux opinions publiques australiennes dans un contexte de tensions sur la mer de Chine du Sud, dans celui d'un sommet 2014 Shangri-La sur la sécurité dans la sous-région qui a été très tendu entre les USA et la Chine, dans un contexte de consolidation du pivot américain Asie Pacifique qui s'appuie sur les deux axes détroit de Malacca et Australie/Guam, et enfin dans un contexte australien d'attaques de requins et d'affrontement entre les ONGE ultra anti pêche requins et un gouvernement qui essaye de gérer le risque requins.
Regardons de plus près les messages graphiques associés à cette affiche. Les Européens qui sont familiarisés avec l'Asie du Sud Est reconnaîtront des pêcheurs issus de l'Asie du Sud, du Sud-Est et de la bordure Pacifique (peau plus foncée), c'est-à-dire Philippins, Indonésiens, Malais, esclaves de la domination historique chinoise, pauvres, et tueurs à gages que l'on recrute pour une bouchée de pain, vecteur d'insécurité dans les mégapoles de l'Asie du Sud Est et les lieux touristiques fréquentés par les nantis de la sous-région. Avec du sang jusqu'aux coudes et victimes de leurs conditions, voire esclaves embarqués. L'effet pyramide est censé montrer une chaîne de causalité, c'est le consommateur qui donne le mobile du meurtre. Sauf qu'en ce cas la pyramide est inversée, il y a normalement beaucoup plus de consommateurs que de pêcheurs. Parce qu'en fait il ne s'agit pas d'une pyramide de causalité "marché", mais une pyramide "domination", les pêcheurs ploient sous le poids. Et qui retrouve-t-on en haut de la pyramide : Xi Ping, l'actuel président chinois. Même corpulence, même coiffure, propre sur lui. La Chine en haut, au Nord, les Philippines, la Malaisie, l'Indonésie en bas au Sud, les riverains du pivot du détroit de Malacca.
 Les pêcheurs sont présentés sur un quai sordide, avec en arrière-plan les "fourmilières" des métropoles asiatiques noyées dans une brume de pollution à gauche et quelques rares navires à droite.

 Le quai béton craquelé annonce la faillite de l'exploitation de la mer, que l'on voit à peine. Image de stérilité. Les intermédiaires sont glauques, véreux, sales, probablement malodorants et pas net (cf. la femme asiatique, maîtresse femme commerçante avec qui vous vous prenez la tête pour négocier le moindre rabais).

L'avant dernier niveau présente le restaurateur qui va vous préparer votre soupe, et le scientifique. Tous les deux un peu ridicules et caricaturaux, très kitch, comme généralement l'occident se plaît à caricaturer les asiatiques qu'ils renvoient souvent à la copie de comportements occidentaux dépassés chez nous mais en vogue chez eux. Le scientifique a une double vocation. Il s'adresse aux produits dérivés du requin (squalène extrait des cartilages et des huiles, non présents dans les ailerons). Mais aussi il est entrain de piler. C'est donc l'utilisateur des produits comme la corne de rhinocéros que l'on pile et autres produits d'espèces en voie de disparition dont le braconnage alimente les phantasmes asiatiques sur les aphrodisiaques.

D'ailleurs si vous suivez le lien, vous tomberez sur une page qui vous présente : Des rhinos et des éléphants, avec une photo et un texte émotionnel « What you can Do » . Et bien aider le WWF à être actif, enfin vous allez être le petit David qui va vous permettre d'être acteur contre le Goliath... au travers du WWF et enfin le formulaire de don au WWF. On ne parle plus de requins, on a joué sur vos a priori et, en fait, on fait du fund-raising. Où est le consommateur australien de Fish & chips ?"

 Le WWF a produit dans le même temps deux autres affiches sur le même concept de pyramide humaine, une pour les tigre et une autre pour les rhinocéros. A chaque fois on retrouve des Asiatiques, cette fois-ci au-dessus d’une base constituée de braconniers indiens ou africains, souriants et armes ensanglantées au point.

 les Chinois ne pêchent pas de requins

Quand on regarde les estimations récentes[15], on s’aperçoit que les Asiatiques sont vraiment loin d’être les plus gros pêcheurs de requins. Il n’en demeure pas moins les premiers consommateurs, bien que cette seule pratique culinaire ce qui conduit en bout de course à les faire endosser l’entière responsabilité du déclin des océans. Pourtant, la responsabilité ne devrait être partagée avec les pays occidentaux qui reste encore de nos jours les principaux fournisseurs d’ailerons de requins ?

 Quoi qu’il en soit, les activités de pêche semblent cristalliser de plus une sorte de conflit mondial entre asiatiques et occidentaux. Est-ce que ces tensions émergeantes autour des enjeux liés à la protection des océans ne constitueraient pas les prémices de conflits futurs bien plus importants : la troisième guerre mondiale se jouera-t-elle sur les mers ?

 Avec même désormais une protection de la nature qui permet au géant américain Google de légitimer la mise à disposition d’un suivi en temps réel des navires sur toutes les mers du globe[16].

 

les USA, parmi les leader... en 2017

 

Et on en trouve partout... au USA...


[5] Auteure d'un livre "Demon Fish: Travels Through the Hidden World of Sharks" 2012, Paperback

[8] Global catches, exploitation rates, and rebuilding options for sharks " B.Worm & al. 2013 Elsevier 97

[10] http://www.thestar.com.my/opinion/letters/2007/08/05/economical-with-the-truth/

[11] Eugène Lapointe est le fondateur et directeur de l'IWMC (International Wildlife Management Consortium), ancien secrétaire général de la CITES (the Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora) de 1982 à 1990. Source : http://www.iwmc.org/fisheries/sharks.html

Cité aussi par Cheah Hooi Giam. http://www.thestar.com.my/opinion/letters/2007/08/05/economical-with-the-truth/

[14] http://blog.bluelobby.eu/2014/06/les-techniques-de-creation-de.html

Extrait de http://blog.bluelobby.eu/2014/06/les-techniques-de-creation-de.html à partir de l’intervention d’un journaliste Dimitri de Kochko dans le cadre d’une table Ronde n°1 : « L'information limite-t-elle la liberté de penser ? » de  20 juin 2014 JNIE (Journée Nationale de l'Intelligence Economique et stratégique) https://www.youtube.com/watch?v=wbk4cyAq3B8#t=14

 « Dimitri de Kochko journaliste, nous retrace un certain nombre d'outils et de moyens de communication utilisés par tous ceux qui veulent déployer de la puissance dans des sociétés où les techniques de communication l'emportent sur la production d'information. Ces techniques sont largement déployées par les courtisans de l'opinion publique non spécialisée, sur-désinformée et malade de l'instantané. La facilité de la recherche d'information, un public urbain qui se pense suffisamment éduqué, constitue un terreau favorable à la transformation d'un citoyen en consommateur de produits informationnels commerciaux main-stream. Dans le domaine de la communication sur les océans du Blue Charity Business, le recours à la dialectique David Contre Goliath, et de désignation du bon et du méchant a été continuellement utilisée, que ce soit par PEW, WWF ou Greenpeace. Le recours aux ambassadeurs des océans people, ou aux égéries diverses et variées ont été utilisées dans le champ de la personnalisation. La technique du plan serré médiatique est une pratique systématique, notamment par la mise en exergue d'une science sur commande relayée immédiatement dans les médias en caisse de résonance, au détriment du débat scientifique contradictoire et des autres pensées scientifiques, au sein des institutions qui doivent assurer ce débat.

Enfin sur le sujet du non-dit, ou de ne pas parler de l'essentiel, nous avons :

-la non mise en perspective des solutions environnementales proposées au regard des tendances géostratégiques de fond, et de leurs conséquences très opérationnelles, 

-la création de miroirs aux alouettes pour focaliser le sujet et le débat sur un élément seulement,

-la non remise en cause du système de consommation américain et de production de CO² pour ne focaliser que sur l'élimination du carbone par les océans et les poissons, par exemple, etc.

Et de manière générale, le choix de sujets qui ne peuvent qu'amener un consensus de non spécialistes du fait de la charge émotionnelle, en jouant sur des réflexes et des peurs de sociétés (croissance humaine, peur du péril jaune), sans évoquer les autres facettes ou conséquences opérationnelles associées. Nous détaillerons prochainement sur blue lobby eu plusieurs sujets et thèmes en relation avec la mise en place d'Aires Marines Protégées de grande échelle sans pêche ».

[16] Ce service de géolocalisation des navires en temps réel existait déjà à des fins de sécurité en mer, mais désormais il est vulgarisé depuis fin 2014 http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/11/14/97002-20141114FILWWW00071-peche-illegale-engagement-de-google.php