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Requins à La Réunion

-une tragédie moderne-

Pratiques sportives et considérations identitaires à la Réunion

 

Un grand bravo à Lucie Ignace qui remporte un titre de vice- championne du monde en karaté !!!

Le parcours de cette combattante est une très grande fierté pour l'ensemble du peuple créole. Toutes les personnalités politiques locale digne de ce nom ce doivent de féliciter cette championne.

A l'inverse, beaucoup de gens ici ne se reconnaissent pas, voir s'opposent, à la communauté des surfeurs... qui pourtant très régulièrement ramènent des titres de champion du monde, et qui bientôt sera même représentée au championnat JO de 2020 à Tokyo, avec des chances réelles de médailles olympiques.

Nous avons ainsi trois champions ayant remporté récemment les plus prestigieuses compétitions mondiales, en la personne de Jérémy florès, Amaury Lavernhe et Johanne Defay... sans susciter d'enthousiasme débordant au plan local…

Il est vrai qu’en plus, il s'agit là des pratiques nautiques « d'obédience occidentale », dans lesquels le peuple créole a du mal à se reconnaître

Et puis n'oublions pas l'ancrage très fort du catholicisme dans la société créole, qui à l'inverse des religions protestantes (dominantes dans les pays anglo-saxons) consacre l'effacement au profit de la masse plutôt que la réussite individuelle… ce qui amène un peu plus les Réunionnais, et de façon instinctive, à privilégier les pratiques collectives plutôt qu'individuelles.

Enfin, pour compléter notre propos, rappelons également les logiques distinctives mise à jour par Pierre Bourdieu, qui font que les milieux populaires on tendance à privilégier les activités à dominante énergétique car c'est l'Effort le modèle de valeur dominant… De ce fait, à l'inverse des communautés à haut capital culturel et social, qui elles choisissent des activités à dominante informationnelle tel que les APPN (Activités Physiques et Sportives de Pleine Nature) : escalade, planche à voile... et bien évidemment le surf !

 Ces considérations, qui se retrouvent dans toutes les sociétés, font que bien souvent, le nom même des champions de surf n'a pas vraiment de résonance locale… ce qui renforce l'absence la non-reconnaissance de cette discipline dans la société créole.

Mais ne devrait-on pas dépasser tout cela quand on vit dans une île qui se veut justement un modèle d'intégration et de respect, et qui porte le nom de "Réunion" ?

Qui est réunionnais finalement ?

Est-ce une question de couleur de peau ou de lieu de naissance ?

Pour nous, un Réunionnais et surtout et avant tout quelqu'un qui aime l'île, qui la respecte, et qui croit en son avenir et s'investit socialement dans cette perspective.

C'est vrai que si on appliquait ce critère, il y aurait beaucoup de surprises, notamment au sein même de ceux qui non jamais pensé à remettre en cause leur statut autoproclamé "d'amoureux de l'île"

Pour conclure, posons la question de savoir quelle est la différence fondamentale entre un champion de football, de karaté ou encore de handball... et un champion en surf ?

La réponse est tout aussi simple : est-ce que un champion du monde de judo ou de handball réunionnais, au-delà de faire connaître le nom de notre île, incite les passionnés par ces disciplines à venir chez nous ?

La réponse est NON... tout simplement parce que ces activités s'exercent dans des milieux artificiels totalement normés et standardisés : un terrain de handball au Canada en Chine ou en Allemagne est strictement identique...Tout comme un praticable composé de tatamis.

C'est la différence fondamentale avec le surf, qui lui se pratique dans des milieux naturels présentant des configurations uniques au monde.

Ainsi, si le fait d'avoir des grands champions de surf témoigne directement de notre potentiel nautique exceptionnel, à l'inverse pour les disciplines traditionnelles, les pratiquants étrangers de sports traditionnels sont bien conscients qu'il n'y a strictement aucun intérêt à faire le déplacement jusqu'à chez nous.

En bref, un champion de surf constitue une fantastique vitrine susceptible de procurer des retombées économiques significatives, sans compter les retombées en terme d'image : l'Image de la vague et du surf sont de plus en plus fortes dans nos sociétés modernes, au point de devenir un argument utilisé dans de plus en plus dans les campagnes de communication.

Un champion de surf constitue donc un des plus puissants leviers sportifs de promotion pour l'île de la Réunion, directement au service de la valorisation de notre patrimoine singulier et exceptionnel .

 

Jémery Florès, réunionnais, meilleur surfeur français de tous les temps et plusieurs fois titrés à l'international

 

Pourtant et bien malheureusement, à l'inverse, depuis cinq ans, avec les attaques de requins, la situation est totalement inversée : au lieu de nous faire connaître à l'international de façon positive, la gestion calamiteuse de la crise requin a conduit la pratique du surf à transformer notre île en lieu de cauchemar :( (même si les baigneurs ont été victimes d’attaques, dans la symbolique et le prisme médiatique, cette crise est réduite à « un problème de surfeur »)

 Et que les mauvaises langues ne se fasse pas d'illusion : l'État a rappelé dans la dernière étude que "la mer est une donnée non-négociable à l'île de la Réunion", une île sans la mer est une île sans âme : il est donc juste impossible de faire l'impasse là-dessus !

 Maintenant il reste juste au gouvernement français de trouver les moyens de sortir d’une situation calamiteuse dont il est le principal responsable (en ayant développé les pratiques nautiques depuis 30 ans, et en ayant depuis 10 ans protéger des prédateurs dangereux dans le même espace)

 

 Johanne Defay, réunionnaise, meilleure surfeuse française de tous les temps, victorieuse de plusieurs grands compétitions internationales en 2015 et 2016

 

Amaury Lavernhe, réunionnais, double champion du monde de bodyboard (2010 et 2014)