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Requins à La Réunion

-une tragédie moderne-

Une critique du livre

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Analyse proposée par le Dr Pascal Deynat, biologiste, spécialiste des requins :

 

« De 2011 à 2015, une série d’attaques de requins sans précédent a endeuillé l’île de la Réunion. Ces séries d’attaques, focalisées dans un premier temps envers les surfeurs, firent par la suite d’autres victimes parmi les plaisanciers ».

 Les grandes répercussions médiatiques qui s’en suivirent entraînèrent un effet boule de neige qui marqua bientôt une scission entre deux mondes : celui des usagers de la mer qui se muèrent en lanceurs d’alerte pour contrer ces attaques inexpliquées, et celui des autres pour, qui la protection d’un animal menacé de disparition devait être privilégiée aux détriments des activités aquatiques.

 

« Une vue rationnelle »

Il était temps d’avoir une vue rationnelle de ces événements, et l’ouvrage de M. Jean-François Nativel, fondateur du groupe Océan Prévention Réunion, le fait d’excellente manière.

 L’ouvrage « requins à la Réunion, une tragédie moderne », n’est pas un simple constat des faits tout au long de ses 270 pages mais il est également le premier concernant ce que les médias appelèrent « la crise requins ». Il s’agit avant tout du témoignage, très approfondi et documenté, d’un père de famille qui, plus que tout autre, fut dès le départ témoin local des attaques dont furent victimes plusieurs de ses connaissances et amis.

 Cet ouvrage est d’une lecture aisée malgré les très nombreuses références émaillant ses pages. Les chapitres, d’inégales longueurs selon leur développement, commencent majoritairement par le récit d’une nouvelle attaque, mais il ne s’agit pas là d’un événement gratuit car, à chacune d’entre elles, le souvenir de la précédente victime vient se calquer, s’ajoutant au désespoir et à la colère des proches et au désarroi des politiciens tant locaux que nationaux. L’écriture est fluide et les idées générales sont parfaitement exprimées sans pour autant édulcorer les parts de responsabilité et d’atermoiements de chacun.

 

« Bien plus que le simple récit d’une tragédie »

Il s’agit bien plus que le simple récit d’une tragédie, telle que le reprend le sous-titre de l’ouvrage car, bien que connues depuis la plus haute antiquité, les attaques de requins, de par leur faible nombre annuel, sont toujours perçues par le reste de la population comme des épiphénomènes touchant une population d’usagers de la mer dans des conditions bien spécifiques. Tels les skieurs emportés par une avalanche alors qu’ils circulaient sur une piste interdite, la plupart des réactions touchant les surfeurs ne sont caractérisées qu’à travers les termes d’ « inconscience », « faute » ou « bêtise » sans aucune considération pour la victime ou ses proches, partant du principe que si quelque chose est interdit, c’est qu’il y a une bonne raison à cela.

 A travers cet ouvrage, le lecteur s’aperçoit rapidement que les attaques ayant eu lieu à la Réunion, démontrent qu’il ne s’agit pas d’événements prévisibles compte tenu de leur variabilité et que des phénomènes connexes ont interagi dans le comportement et les populations des requins responsables.

 

« Une mine d’informations… un travail aussi bien sociologique qu’ethnologique »

L’ouvrage est, en ce sens, une mine d’informations tout au long de ses 400 références, démontrant que Jean-François Nativel a réussi un travail aussi bien sociologique qu’ethnologique, tant on perçoit au cours de l’avancée du récit les tensions exacerbées entre les réunionnais de souche, les touristes métropolitains, les scientifiques totipotents et les politiciens dépassés devant rendre des comptes sur leur gestion de la crise.

Comme l’indique Jean-François Nativel, un prédateur, quel qu’il soit, représentera toujours un totem fascinant pour le scientifique qui l’étudie. Les mouvements gracieux d’une tarentule aviculaire ou la beauté fusiforme d’un requin de récifs trouveront vraisemblablement peu d’échos en dehors de la sphère scientifique ou naturaliste car le principe fondamental de la vie sauvage est qu’elle ne peut être maîtrisée selon notre bon vouloir et que 420 millions d’années de prédation ne peuvent être effacés lorsque l’Homme ne représente pas l’espèce dominante dans un territoire qui n’est pas le sien.

 

 

« Il existe de telles différences de traitement entre ceux qui ne désirent que protéger leur vie et ceux qui éradiquent les espèces vivantes dans un seul but économique »

Les requins sont, et resteront, de formidables témoignages de l’évolution, ayant réussi à conquérir les milieux les plus diversifiés. La menace qui plane sur eux est davantage du fait des populations asiatiques friandes de leurs ailerons et de ceux qui les aident dans le cadre de ce trafic inacceptable. En ce sens, on pourrait réfléchir au fait qu’ il existe de telles différences de traitement entre ceux qui ne désirent que protéger leur vie et ceux qui éradiquent les espèces vivantes dans un seul but économique, à l’heure où la protection de la biodiversité semble marquer le pas face aux échanges économiques entre les grandes nations…

 Tout au long de ces événements tragiques, Jean-François Nativel se fait ainsi témoin entre les actions et les discours des uns et des autres. Il est alors très intéressant de constater la manière dont les tensions entre les associations écologiques et les insulaires d’une part et entre les réunionnais d’autre part ont vu le jour, lorsqu’il s’agissait de trouver des solutions qui puissent permettre de protéger les estivants tout en ne froissant pas les tenants d’un « zéro pêche » et ce sans connaitre exactement l’origine des problèmes ayant amené à la côte des prédateurs de moins en moins craintifs. Bien plus, on s’aperçoit également à quel point le monde politique s’est avéré incapable de résoudre rapidement cette question en misant sur le statut spécifique de la Réunion, considéré comme un laboratoire écologique à ciel ouvert sur lequel les regards internationaux sont posés.

 

« Un avis sur la responsabilité de chacun »

Les images véhiculées à juste titre par les medias sur le trafic des ailerons et l’agonie de ces magnifiques poissons, a laissé dans l’esprit des spectateurs, bien éloignés de l’océan, une image de barbarie et de dégoût. Aussi, paradoxalement, c’est lorsque des attaques mortelles ont lieu à plusieurs milliers de kilomètres de nos cotes que les réactions les plus vives à l’égard des surfeurs se sont mises en place. En ce sens, Jean-François Nativel n’élude aucun de ces aspects et apporte également un avis sur la responsabilité de chacun et la manière dont les medias et les réseaux sociaux perçoivent les événements.

En mettant en avant les actions des usagers de la mer tout au long des tragiques événements mais également le travail des scientifiques et les solutions préconisées, Jean-François Nativel réussit le tour de force de nous intéresser à un sujet pour lequel la plupart d’entre nous ont eu dès le départ des avis tranchés. Sans prendre partie pour tel ou tel, Jean-François Nativel évoque les différentes pistes et spéculations ayant poussé les requins à s’approcher des côtes.

 Entre le respect des océans et de sa vie sauvage et le droit à chacun de vivre sa passion sans risquer sa vie, il est parfois difficile de calibrer les choses sans tomber dans une surenchère dont les réseaux sociaux sont les bras armés. Avec la récente pose de filets spéciaux repoussant les requins et empêchant les prises accessoires, les usagers de la mer ont retrouvé une partie de leurs prérogatives et il va de soi que cette solution pourrait être privilégiée sur le long terme sans pour autant utiliser d’autres moyens plus agressifs.

 

 

 

« Bien loin d’un ouvrage polémique, ce témoignage remet les choses à leur place »

Bien loin d’un ouvrage polémique, ce témoignage remet les choses à leur place et démontre que M. Jean-François Nativel, tant par ses écrits que par ses discussions, mérite d’être entendu.

 En tant qu’ichtyologiste, je recommande fortement cet ouvrage à ceux qui n’ont des événements de la Réunion qu’une vue fragmentaire. L’augmentation des attaques imputées aux requins bouledogues se doit d’être vue comme un nouveau phénomène dont la pleine mesure ne pourra être analysée qu’avec rigueur et maîtrise, sans éclat ou amateurisme, tant d’un point de vue local que national, tant d’un point de vue biologique que politique, et ce en respectant le vivant de chaque côté des filets.
Il reste donc à souhaiter que, bien loin des querelles ayant entaché ces événements douloureux, de nouvelles solutions puissent être apportées afin que l’île de la Réunion puisse retrouver sereinement son statut de grain de beauté de l’Océan Indien ».