Hier, contre toute attente, le 1er ministre a annoncé qu’il redonnait l’accès aux plages. C’est un véritable leçon de politique qui vient de se jouer sous nos yeux, après une mobilisation sans précédent des élus métropolitains depuis trois semaines.
Cette fronde pour un retour à l’océan est partie mi-avril d’un médecin et élu de Biarritz, défenseur du surf et des vertus sanitaires de l’océan. Cette initiative a été reprise dans la foulée par le maire de Lacanau qui lui s’est inquiété des graves conséquences économiques du maintien de l’interdiction d’accéder aux plages le 11 mai, dans le cadre du plan de déconfinement. Les fédérations françaises de sports nautiques leur ont emboîté le pas, notamment celle de Surf, en étant force de proposition auprès de la Ministre des sports.
De là, le mouvement s’est rapidement étendu à l’ensemble de la classe politique, car l’accès aux plages est primordial pour l’économie littorale. Sans la mer, ce sont les budgets de fonctionnement de centaines de villes et des centaines de milliers d’emplois qui sont menacés. Ainsi 50 députés se sont mobilisés pour interpeller le gouvernement, avant que démarre un mouvement populaire avec pour hashtag #RendezNousLaMer ou encore #RendezNousNosPlages. Les appels à la rébellion et à la désobéissance civile se sont multipliés même chez les élus. Ce mouvement a ensuite été prolongé par des amendements posés par plusieurs dizaines de sénateurs, réclamant l’ouverture des plages dans le cadre de la loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire.
Devant toute cette pression, le gouvernement a fini par capituler hier, en offrant la réouverture à l’initiative des maires. Mais ce revirement n’est pas sans interpeller en cette période d’entre deux tours municipal. Il est sûr que la majorité présidentielle espère en retour les faveurs des nombreux électeurs du littoral, tout comme les maires qui se sont engagés dans ce dossier.
A la Réunion une fois de plus nos élus ont brillé par leur absence : aucun de nos députés, aucun de nos sénateurs, aucun de nos maires ne s’est inquiété spontanément de cette privation prolongée d’accéder aux plages. Il aura fallu que j’interpelle début mai une 1ère fois sur ce sujet dans les médias, avant de leur écrire une lettre ouverte, fort de l’appui d’une pétition spontanée d’usagers. J’ai ensuite pu obtenir le soutien du maire de Trois-Bassins et de Saint-Leu, ainsi que celui du président du département, qui a pu relayer cette demande d’accès aux plages auprès du préfet. Celui-ci avait accepté le principe d’une ouverture progressive des plages, dans un premier temps pour les activités physiques individuelles telles que le jogging. J’ai transmis les arguments en notre faveur ainsi que les modalités pratiques de mise en œuvre, autour d’une adaptation locale du concept de « la plage dynamique » développé par l’élu-médecin de Biarritz, où on vient pour une activité physique et on repart…
Au final, le déblocage aurait été ministériel, car même si nous avions d’excellents arguments, il apparaissait compliqué d’espérer ici une dérogation, dans un contexte où les plages métropolitaines resteraient elles fermées jusqu’au 1er juin. Désormais, le préfet de la Réunion n’est plus dans une logique spécifique à notre île, mais va juste s’inscrire dans la règle du 1er ministre édictée hier : c’est désormais à la demande des maires. Et comme souvent, une fois la guerre terminée, on assiste à une récupération politique de cette affaire. Mais qui peut être dupe de communiqués de maires sortis de nulle part, alors même que le Ministre n’avait pas fini de parler ? Espérons maintenant que dans cette lignée, leurs directeurs de cabinet seront capables de faire le copié-collé d’un travail qui a déjà été mâché, s’agissant des modalités de mise en œuvre d’un retour aux plages respectueux des règles sanitaires, à faire valider par le préfet.
En attendant, cette victoire en métropole illustre avec force à quel point le combat mené depuis 2011 à la Réunion pour rendre la mer est juste et essentiel. Elle nous démontre aussi à quel point la mobilisation des politiques est déterminante pour espérer un succès.
Après tant années de promesses non tenues, nous souhaitons que nos élus s’inspirent de cette histoire, et s’engagent enfin en faveur de la levée de l’interdiction de baignade et d’activités nautiques, qui s’applique toujours à l’ensemble de notre île, depuis presque 7 années.
Une pensée aujourd’hui pour Stéphane Berahmel, touriste en lune de miel, décédé le 8 mai 2013 à Saint-Gilles, dont la mort, avec celle de Sarah peu après, avait conduit le préfet de l’époque à imposer le 26 juillet 2013 la 1ère interdiction « provisoire », reconduite 10 fois depuis… et qui nous prive toujours, ici, de nos droits et de nos libertés !
Jean-François Nativel, président de l'association Océan Prévention Réunion